
Huit ans après le succès du premier album, Matthieu Chedid revient avec Lamomali Totem, un projet afro-pop en hommage à Toumani Diabaté. Un disque solaire et collectif face aux réalités sombres du Mali.
Les suites, très peu pour lui. «Les trucs à la +Rocky II+, ça me terrorise, cette idée de refaire la même chose». Huit ans après un premier album choral malaxant le Mali, revoilà pourtant -M- aux commandes d’un second Lamomali.
«Au départ, j’étais pas très partant, j’aurais trouvé désastreux de faire une pâle copie», relate dans un entretien à l’AFP le guitariste-chanteur français Matthieu Chedid, que des forces supérieures ont fini par convaincre.
«Les inspirations sont plus fortes que nous», philosophe-t-il depuis son home-studio parisien où il avait, avec la chanteuse Fatoumata Diawara, fabriqué le premier Lamomali, carton en 2017 (300.000 albums vendus).
Leur nouvel opus, Lamomali Totem, doit beaucoup à la force de persuasion d’une légende de la musique malienne: Toumani Diabaté, qui avait déjà mêlé les cordes de sa kora à celles de -M- sur le premier Lamomali aux côtés de Youssou N’Dour, Jain ou Seu Jorge.
«Si j’avais écouté mon petit raisonnement de blanc, j’aurais pas forcément été sur ce deuxième album», dit -M-. «Mais c’était beaucoup plus fort que ça. L’envie venait d’abord du Mali». Et de Toumani.
«Matthieu a été choisi parce que, c’est le griot blanc», plaisante Fatoumata Diawara, qui a co-composé plusieurs titres. «Au Mali, la musique chez les griots est transmise dans les familles de père en fils, un peu comme chez les Chedid».
«Mets tes guitares»
C’est en rencontrant Toumani Diabaté à Bamako en 2015 que -M- avait eu l’audace d’enjamber les frontières franco-maliennes.
«Je n’aurais jamais osé +popiser+ avec la kora», raconte-t-il. «J’ai beaucoup trop de respect pour cette musique. Mais c’est Toumani qui m’a dit: vas-y Matthieu, mets tes guitares».
Pour Lamomali Totem, -M- a repris ces expérimentations afro-pop, conviant l’étoile montante Yamê, Patrick Watson ou Angélique Kidjo. Mais Toumani Diabaté n’a jamais pu les découvrir : il est décédé brutalement en juillet 2024, à 58 ans.
«Il devait venir écouter les enregistrements deux semaines après», se souvient Matthieu Chedid. «Je ne lui avais rien envoyé parce que je voulais lui faire la surprise…»
L’opus renferme donc les dernières notes de kora de Toumani Diabaté mais aussi les ultimes riffs du guitariste Amadou Bagayoko, moitié du duo Amadou et Mariam, mort début avril. «Un être rare et un guitariste inouï», selon -M-.
D’autres proches disparus — le musicien Philippe Zdar, le producteur Marc-Antoine Moreau qui avait découvert Amadou et Mariam — hantent aussi ce Totem testamentaire, qui invite pourtant à la danse et à la fête.
«Être explosif et solaire, c’est très important pour nous», analyse -M-. «C’est ce qu’on veut envoyer au monde». Et sur scène, où le collectif Lamomali va déferler cet été jusqu’à deux dates parisiennes en décembre.
L’album est joyeux mais -M- n’ignore rien des tempêtes que le Mali a traversées entre les deux Lamomali. En 2020 et 2021, le pays a connu deux coups d’État qui ont placé à sa tête une junte militaire et doit encore faire face à des attaques jihadistes.
«Il y a des réalités géopolitiques mais on met surtout la lumière sur la beauté de ce pays et de la culture, sans être du tout ignorant», estime-t-il.
Dans le morceau Il neige à Bamako transparaît ainsi sa crainte de ne jamais revoir la capitale malienne, couplée à une petite note d’espoir : «Reverrai-je Bamako ?/ Les maquis, les motos / Rêver c’est déjà beau».
Le nouveau Lamomali se rêve lui-même en antidote au pessimisme ambiant en prônant l’amour, sans craindre de tomber dans le cliché.
«Donner de l’amour, c’est la chose la plus difficile», rétorque Fatoumata Diawara. «Les gens n’y arrivent pas comme ça et c’est à nous, artistes, de rappeler que tu peux partager, que tu peux donner et que ça ne fait pas de toi quelqu’un de faible».
Par Par Jérémy TORDJMAN / AFP
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