À deux jours d’une nouvelle session de négociations irano-américaines à Rome, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique s’est rendu à Téhéran. Objectif: préserver le dialogue et éviter une escalade vers un affrontement militaire, alors que la diplomatie européenne reste marginalisée.

Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a déclaré jeudi 17 avril, depuis Téhéran, que «le temps presse» pour parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, à l’approche de pourparlers cruciaux entre l’Iran et les États-Unis prévus samedi à Rome. Sa visite à Téhéran a été marquée par une série d’entretiens diplomatiques visant à rétablir un minimum de confiance entre les acteurs, alors que le spectre d’une confrontation militaire hante la région.

M. Grossi s’est entretenu avec Mohammad Eslami, président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, avant de rencontrer Abbas Araghchi, le chef de la diplomatie iranienne – ce dernier étant attendu ce même jour à Moscou pour remettre un message du Guide suprême Ali Khamenei à Vladimir Poutine​. À son arrivée, M. Grossi a rappelé que l’Iran «n’était pas loin» de disposer de la bombe atomique, appelant à une désescalade immédiate​.

Les tensions autour du programme nucléaire iranien se sont en effet intensifiées depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Ce dernier a fixé un ultimatum de deux mois à Téhéran pour parvenir à un nouvel accord, menaçant sinon de frapper militairement les installations nucléaires iraniennes​.

Négociations en terrain miné

Les pourparlers de samedi, organisés sous médiation omanaise, constituent la seconde session depuis le début d’une nouvelle phase diplomatique. Annoncées comme «indirectes» par l’Iran, ces discussions sont perçues différemment par Washington, qui milite pour une confrontation directe entre négociateurs​. Le président américain insiste pour inclure dans l’accord des éléments de sécurité régionale, voire une remise en question du rôle des «proxies» iraniens au Liban, en Syrie et au Yémen​.

Du côté iranien, la ligne rouge est claire: aucune renonciation au droit au nucléaire civil. Steve Witkoff, envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, a exigé l’élimination du programme d’enrichissement de l’uranium en Iran, provoquant une levée de boucliers à Téhéran. Un compromis intermédiaire, fondé sur une suspension temporaire de l’enrichissement à 60% et un meilleur accès aux sites pour les inspecteurs de l’AIEA, est étudié en coulisses​.

Parallèlement, le contexte régional tend à l’escalade. L’armée américaine a renforcé sa présence militaire au Moyen-Orient depuis février, avec le déploiement de bombardiers B-2 à Diego Garcia, une île de l’océan Indien abritant une importante base militaire américaine. Par ailleurs, selon le New York Times, Israël a été dissuadé de frapper préventivement les installations iraniennes​.

L’Europe marginalisée, la Russie en embuscade

L’Union européenne (UE) a été un acteur clé de l’accord sur le nucléaire iranien, signé à Vienne en 2015 (JCPOA), qui visait à encadrer le programme nucléaire de Téhéran en échange d’une levée progressive des sanctions. Or, aujourd’hui, l’UE est largement absente de la scène diplomatique. Experts et observateurs dénoncent son effacement à la suite de l’abandon par les Européens de leurs engagements économiques face aux sanctions américaines rétablies en 2018​. «Ni l’Iran ni les États-Unis ne pensent que les Européens ont encore une carte à jouer», résume Ali Vaez, du Crisis Group.

Pendant ce temps, Moscou s’impose comme médiateur de substitution. M. Araghchi a d’ailleurs souligné l’alignement stratégique croissant entre l’Iran, la Chine et la Russie, alors que Poutine pourrait jouer un rôle de garant en coulisses​. En toile de fond, le compte à rebours est enclenché: le 18 octobre marquera le dixième anniversaire de l’accord de Vienne. Sans avancée d’ici là, les Européens pourraient activer le mécanisme de «snapback», rétablissant automatiquement les sanctions internationales contre Téhéran​.

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