Médicaments: grâce à la tech, la fin programmée des tests sur les animaux?
Un chercheur en médecine examine les souris de laboratoire et examine les échantillons de tissus sous microscope. ©shutterstock

Dans quelle mesure les avancées technologiques, comme les modèles d’intelligence artificielle et les organes humains sur puce, pourront-elles remplacer les tests sur animaux dans l’évaluation de la sécurité des médicaments?

L’agence américaine du médicament (FDA) a pris jeudi un virage décisif dans le développement pharmaceutique en supprimant progressivement les tests sur les animaux pour évaluer des anticorps monoclonaux, traitements utilisés notamment en oncologie et pour d’autres maladies complexes.

L’objectif: «Accélérer le processus de développement des médicaments», réduire «les coûts de recherche et développement (R&D) et, in fine, le prix des médicaments».

«Des milliers d’animaux, dont des chiens et des primates, pourraient à terme être épargnés chaque année grâce à l’implantation de ces nouvelles méthodes», souligne aussi la FDA.

Les États-Unis avaient ouvert la voie en 2023 à la commercialisation de médicaments développés sans recours aux tests sur des animaux.

Désormais, la FDA passe à l’action: elle prévoit de lancer un programme pilote permettant aux fabricants d’anticorps monoclonaux d’effectuer leurs contrôles de toxicité (ceux-ci sont réalisés avant les essais sur l’humain) en s’affranchissant des tests sur les animaux.

Cette stratégie intervient alors que l’administration Trump a prévu début avril la suppression de 10.000 postes au sein du ministère de la Santé et d’agences sanitaires, ce qui laisse craindre des retards dans les approbations de nouveaux médicaments.

L’Europe doit, elle aussi, définir cette année des actions pour sortir progressivement de l’expérimentation animale dans l’évaluation de sécurité des produits chimiques, dont les médicaments.

Alternatives

La réglementation européenne exige encore, à ce jour, la réalisation de tests sur animaux avant l’autorisation de mise sur le marché.

Pourtant, les innovations technologiques offrent des alternatives dans la recherche médicale, fait valoir le comité scientifique Pro Anima, qui œuvre à accélérer la transition vers la recherche non animale.

Un potentiel à exploiter dans la mesure où, selon l’Agence nationale de la recherche (ANR) française, les modèles animaux ne permettent pas de prédire la toxicité pour l’humain dans au moins 50% des cas.

Outre l’intelligence artificielle, les organoïdes, systèmes de culture cellulaire qui donnent des copies miniatures en 3D d’un organe, ainsi que les organes sur puce, qui reproduisent le fonctionnement d’un organe à l’échelle d’une carte mémoire, sont autant de nouveaux outils d’expérimentation.

Capables de sélectionner des molécules, de tester leur efficacité et leur toxicologie avec très peu de matériel biologique, ils sont cités par les grands organismes de recherche comme une réponse à une réglementation sur l’expérimentation qui limite de plus en plus l’utilisation d’animaux.

Reste à savoir dans quelle mesure ces nouvelles approches seront prises en compte dans la feuille de route de la Commission européenne sur l’évaluation des risques chimiques, attendue d'ici à la fin de l’année. Et «comment les agences réglementaires du médicament vont les intégrer dans leurs critères d’acceptation des dossiers de mises sur le marché», s’interroge Pro Anima.

Enjeu de compétitivité

«Si l’Europe veut rester dans l’innovation et la compétitivité, il faut qu’elle suive» la voie prise par les États-Unis, mais aussi par l’Inde qui a supprimé l’obligation de procéder à des tests sur les animaux dans le développement de médicaments, estime Pro Anima.

Les Pays-Bas ont pris une longueur d’avance en ouvrant l’an dernier un centre national de transition dédié aux méthodes de remplacement et de réduction des évaluations sur les animaux.

Pour le laboratoire allemand Merck, qui dit avoir «réussi à réduire de plus de 20% le nombre d’animaux» utilisés dans ses recherches au cours des cinq dernières années, «il est essentiel que cette feuille de route soit élaborée de manière réaliste».

Selon lui, «le principal défi et obstacle n’est pas la technologie alternative elle-même, mais le processus long et bureaucratique d’acceptation des méthodes alternatives par les autorités sanitaires à travers le monde».

Si l’abandon de l’utilisation animale est en cours dans la recherche, il est en revanche jugé encore prématuré dans la formation en chirurgie endocavitaire (cardiaque, digestive, gynécologique…) réalisée en partie sur l’animal.

À ce jour, les modèles in vitro (mannequins) et in silico (simulation informatique) «ne permettent pas de fournir au chirurgien un retour haptique – c’est-à-dire de sensation au toucher – réaliste et ne peuvent reproduire correctement les saignements liés à des effractions vasculaires», estime l’Académie de médecine française.

Par Anne PADIEU, AFP 

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