
Des avions de chasse américains, français, allemands et finlandais s'élancent cette semaine dans le ciel depuis une base néerlandaise dans le cadre du plus grand exercice aérien de l'OTAN cette année.
L'objectif : s'entraîner à stopper — et ensuite vaincre — une attaque ennemie contre l'alliance, alors que la guerre en Ukraine alimente les craintes en Europe.
Mais une autre menace potentielle se profile au sein de l'Alliance. Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a semé le doute quant à l'engagement de Washington sur le continent européen. Pour l'instant, les commandants de l'Otan veulent croire que rien n'a changé, comme en témoignent les derniers exercices.
« Nous avons récemment élu un nouveau président, et nous essayons encore de déterminer les politiques exactes qu’ils vont adopter », a déclaré à la presse lors de cet exercice le général James Hecker, commandant en chef des forces aériennes américaines et de l'Otan en Europe. « Je pense que vous allez nous voir main dans la main avec les Européens pendant un certain temps », a-t-il assuré.
Mais si Donald Trump décide de retirer des forces américaines d'Europe, elles risquent de laisser un vide dans des domaines clefs de la défense du continent.
L'attention se concentre souvent sur les quelque 100.000 militaires américains présents en Europe. Mais responsables militaires et experts identifient de multiples domaines où l'Europe pourrait avoir des difficultés sans le soutien américain.
Et cela comprend la défense aérienne, les avions espions et les satellites, les systèmes électroniques capables de brouiller les radars, les ravitailleurs pour les avions en vol et ceux utilisés pour transporter les troupes.
« En théorie, si l'environnement concernant Taïwan se détériore, les États-Unis chercheront à déplacer des atouts clefs » d'Europe, a expliqué Douglas Barrie, de l'Institut international d'études stratégiques.
Meilleur équipement
Les Européens ont augmenté leurs dépenses militaires depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, et sont prêts à accroître leurs efforts, sous la pression de Donald Trump.
Mais se mettre au niveau des États-Unis, comme par exemple avec le chasseur américain F-35 de dernière génération, sera coûteux et prendra du temps.
« Il faudra trois à cinq ans pour certains systèmes, cinq à dix ans pour d'autres, selon l'endroit où vous voulez dépenser votre argent », a assuré Douglas Barrie.
Les doutes quant à la poursuite de l'engagement américain en Europe inquiètent aussi certains pays européens : faut-il continuer à acheter du matériel militaire américain ?
Les craintes que les États-Unis puissent clouer au sol les F-35 en refusant leur maintenance ou de fournir des pièces détachées ont conduit plusieurs pays à reconsidérer leurs achats.
Ces inquiétudes ont aussi renforcé le camp de ceux, comme la France, qui réclament une dépendance moindre à l'égard de Washington.
« C'est une véritable opportunité pour l'Europe de remettre en question son propre modèle et éventuellement ses propres dépendances », a ainsi déclaré lors de cet exercice le général de l'armée de l'air française Laurent Rataud.
Des équivalents existent en Europe pour une grande partie des équipements militaires. Mais les délais de production sont souvent longs et le continent ne produit pas encore par exemple d'avion furtif de cinquième génération comme le F-35. « Il est d'une importance capitale que nos troupes aient le meilleur équipement », a déclaré de son côté le chef de l'armée de l'air néerlandaise Andre Steur.
Et, « pour moi, peu importe de savoir où cet équipement est fabriqué », a-t-il ajouté.
Pas à la hauteur
En dépit de certaines lacunes, les alliés européens de l'Otan affirment être capables de gagner un combat aérien contre la Russie, même sans les États-Unis. « Nous avons en fait des forces aériennes assez puissantes », a assuré le lieutenant-colonel Martin Friis, un officier danois du commandement aérien de l'Otan, à l'AFP.
« Certaines d'entre elles ont peut-être diminué en taille, mais la technologie, les armes et la formation sont, par rapport à ce que nous voyons d'un adversaire potentiel — elles sont sans équivalent », a-t-il ajouté.
L'Otan a observé de près comment Moscou n'a pas réussi en Ukraine à obtenir la suprématie aérienne contre une force aérienne ukrainienne pourtant beaucoup plus petite, et en a tiré les leçons.
Pour le commandant Marcel van Egmond, qui dirige l'unité de combat aérien néerlandaise, les pays européens auraient le dessus sur la Russie — du moins dans les premiers jours de tout conflit. « Mais nous avons besoin d'aide pour le combat plus long, peut-être des États-Unis », a-t-il déclaré à l'AFP.
Par Max DELANY/AFP
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