
Sarah Wynn-Williams, ancienne employée de Facebook (devenu Meta) et auteure d'un livre cinglant sur l'entreprise, a assuré mercredi à des sénateurs américains que le géant des réseaux sociaux avait collaboré avec le gouvernement chinois sur l'intelligence artificielle et des outils de censure.
«Le plus grand tour de passe-passe de Mark Zuckerberg (fondateur et patron de Meta, ndlr) a été de se draper du drapeau américain, de se qualifier de patriote et de dire qu'il n'offrait pas de services en Chine, alors qu'il a passé la dernière décennie à y construire une entreprise de 18 milliards de dollars», a déclaré Mme Wynn-Williams.
L'ancienne responsable des principes et des pratiques (policy) du groupe a été entendue par la sous-commission judiciaire du Sénat, lors d'une audition sur les relations de Meta avec la Chine, et les propos passé des dirigeants de la société sur ce sujet, notamment au Congrès.
Une audition «que Facebook a désespérément essayé d'empêcher», a noté Josh Hawley, le sénateur républicain qui préside cette instance.
Mme Wynn-Williams a affirmé avoir vu Meta travailler «main dans la main» avec le Parti communiste chinois (PCC) pour mettre au point des outils de censure testés sur les utilisateurs de Taïwan et de Hong Kong.
Les responsables du PCC «faisaient des retours sur ces outils, ils disaient ceci doit changer, ou nous avons besoin de ça», a-t-elle détaillé. Elle est restée 6 ans dans l'entreprise, de 2011 à 2017.
IA
Dans son livre «Careless People» (des gens négligents), publié le 11 mars, elle a révélé que Facebook avait conçu des plans pour être accepté sur le marché chinois. Des plans qui n'ont jamais été mis à exécution, selon un porte-parole de Meta.
«Lorsque Pékin a demandé à Facebook de supprimer le compte d'un éminent dissident chinois vivant sur le sol américain, ils l'ont fait et ont ensuite menti au Congrès lorsqu'ils ont été interrogés sur l'incident lors d'une audition au Sénat», a ajouté Mme Wynn-Williams mercredi.
Selon la lanceuse d'alerte, Meta a même aidé la Chine dans l'intelligence artificielle, un domaine où le gouvernement américain cherche activement à empêcher son adversaire de les rattraper, notamment avec des contrôles à l'exportation.
Dès 2015, Meta et le PCC ont tenu des réunions dont «l'objectif explicite était d'aider la Chine à surpasser les entreprises américaines. On peut tracer une ligne droite entre ces briefings et les récentes révélations selon lesquelles la Chine développe des modèles d'IA à des fins militaires, en s'appuyant sur Llama» (le modèle d'IA open source de Meta), a déclaré Sarah Wynn-Williams.
Son livre évoque en outre des comportements inappropriés et du harcèlement sexuel de la part de Joel Kaplan, ancien membre du Parti républicain et allié de Donald Trump, qui a pris la tête des Affaires internationales de Meta en janvier.
Elle y dépeint aussi Mark Zuckerberg comme un dirigeant froid, imprévisible, devenu imbu de lui-même, en quête de popularité et d'attention.
«Careless People» occupe la deuxième place sur la liste des best-sellers du New York Times, malgré les tentatives de Meta d'empêcher sa sortie.
«Fausses accusations»
Le groupe a saisi, en urgence, un tribunal arbitral, qui a estimé que Sarah Wynn-Williams devait arrêter de promouvoir son ouvrage en attendant que l'affaire soit examinée sur le fond, puisqu'elle avait signé un accord de non-dénigrement à son départ en 2017.
Mais l'éditeur, Flatiron Books, filiale du groupe Macmillan Publishers, a refusé d'arrêter la diffusion ou la promotion du livre.
Un porte-parole de Meta avait indiqué sur X que l'ancienne employée avait "été licenciée en raison de ses mauvaises performances et de son comportement toxique», en affirmant qu'une "enquête menée à l'époque a révélé qu'elle avait fait des allégations trompeuses et infondées».
«Son livre est un mélange de vieilles affirmations et de fausses accusations», avait-il ajouté.
«Vous n'avez rien à perdre. Vous avez votre intégrité", a dit le sénateur démocrate Richard Blumenthal à Sarah Wynn-Williams. «Mark Zuckerberg a perdu la sienne à cause de ses propos mensongers, et il a supervisé et personnellement approuvé des plans qui ont sapé la sécurité nationale américaine.»
Mark Zuckerberg multiplie les avances à l'égard de Donald Trump depuis sa deuxième élection en novembre. Il a notamment nommé des alliés républicains à des postes importants chez Meta, mis fin aux programmes de soutien à la diversité et à l'inclusion et versé des contributions financières.
Il a aussi assoupli les règles de modération des contenus, se posant en défenseur de la liberté d'expression.
Par Julie JAMMOT/AFP
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