L'OMC pieds et poings liés face à la vague de droits de douane
Une photo prise à Genève le 5 février 2024 montre le logo de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à son siège. ©Fabrice Coffrini / AFP

Souvent qualifiée de "gendarme du commerce mondial", l'OMC se retrouve en réalité pieds et poings liés face à la vague protectionniste : ses moyens d'action sont limités, d'autant que les États-Unis ont fait imploser le mécanisme destiné à régler les conflits commerciaux.

Alors que plusieurs pays s'inquiètent de la conformité des nouvelles taxes douanières imposées par l'administration Trump avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), voici quelques repères sur cette organisation basée à Genève.

L'OMC, c'est ses pays membres

L'OMC ne fait pas partie du système onusien. Contrairement à d'autres organisations internationales, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le pouvoir n'est pas délégué à un conseil d'administration ou au directeur.

Elle est au contraire dirigée par consensus par ses membres, 166 actuellement, qui représentent 98 % du commerce mondial. Ce modèle de gouvernance signifie que le secrétariat de l'OMC, dirigé depuis mars 2021 par la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, est avant tout un organe de conseils pour les comités de l'organisation : il n'a pas le droit de se prononcer sur la conformité des politiques aux règles de l'OMC.

Le chef de l'OMC peut toutefois faire entendre sa voix.

Depuis la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche, Mme Okonjo-Iweala, première femme et première Africaine à occuper cette fonction, a adopté une approche graduelle, sans grand succès jusqu'à présent.

Elle a tout d'abord affirmé, en novembre dernier, avoir "hâte" de travailler avec Donald Trump et jugé "prématuré" de commenter ses menaces de droits de douane, avant d'appeler cette année les pays à "garder leur calme" et à ne pas "rendre coup pour coup".

L'arbitre, en semi-état de mort clinique

Le système de règlement des différends — clé de voûte de la régulation du commerce international par l'OMC — est affaibli depuis plusieurs années.

L'organe d'appel, composé de spécialistes du droit et du commerce international, est paralysé depuis décembre 2019 car des sièges de juges demeurent vacants en raison du refus par les États-Unis de les nommer, une pratique entamée sous l'administration de Barack Obama et que Donald Trump et Joe Biden ont poursuivie.

Washington reproche à l'organe d'appel de surinterpréter les règles du commerce international et de dépasser les délais fixés par l'OMC. Les États-Unis soulignent aussi tenir à ce que les décisions des juges n'empiètent pas sur la "sécurité" nationale.

Lors d'une réunion à l'OMC en mars dernier, les États-Unis ont à nouveau déclaré qu'ils n'étaient pas en mesure d'accepter une proposition de 130 autres membres de l'organisation demandant le lancement du processus de sélection des juges, le bloquant ainsi pour la 85e fois.

Ce blocage est rendu possible car les membres de l'OMC s'en tiennent à la pratique traditionnelle du consensus.

Appels dans le vide, pas de sanctions

Sans possibilité d'obtenir une décision en appel, les pays ne peuvent pas passer à l'étape suivante, à savoir demander l'établissement d'une compensation face à une mesure tarifaire considérée comme contraire aux règles de l'OMC.

Cette compensation ne prend pas la forme d'un versement d'argent, mais par exemple, d'une réduction tarifaire équivalente.

Par ailleurs, même si les voies de recours n'existent plus, les pays peuvent toujours faire appel "dans le vide". En conséquence, les décisions de première instance ne s'appliquent pas s'il y a appel, car ce dernier est suspensif.

Plus d'une trentaine de décisions de première instance font ainsi l'objet d'appel "dans le vide", selon l'OMC. Certains d'entre eux ont été déposés par les États-Unis et par la Chine.

En attendant, un peu moins d'une trentaine de membres de l'OMC, dont l'Union européenne et la Chine, ont mis au point une procédure de règlement des différends alternative pour faire avancer leurs dossiers.

Mais les États-Unis n'y ont pas adhéré.

AFP

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