
Donald Trump ne cesse de clamer son amour des droits de douane, qui se nourrit de nostalgie historique, d'un goût personnel pour la castagne diplomatique et de réflexions économiques plus construites.
"Je dis toujours que ‘droit de douane’ c'est pour moi le plus beau mot du dictionnaire", a encore dit le président américain en janvier, juste après avoir prêté serment.
Il y voit un outil capable de régler tous les maux de l'Amérique. Les taxes douanières, à l'entendre, vont permettre de rapatrier des usines tout en remplissant les caisses publiques et en résorbant le déficit commercial.
Mercredi, le milliardaire de 78 ans a promis aux États-Unis un "jour de la libération" passant par l'annonce de taxes douanières "réciproques", censées mettre fin à des décennies pendant lesquelles la première économie mondiale a selon lui été "arnaquée" par ses partenaires commerciaux.
Interrogé sur le risque de flambée des prix, puisque les droits de douane sur les produits importés sont en général répercutés sur les ménages, le président américain a invité les Américains à serrer les dents à court terme, contre la promesse d'un "âge d'or" à long terme.
Pendant son premier mandat déjà, le président américain avait usé de l'arme douanière.
"Projet 2025"
Rien de surprenant à ce que l'ancien promoteur immobilier, qui conçoit la négociation diplomatique comme un marchandage d'affaires, apprécie autant les droits de douane, des décisions qui instaurent immédiatement un rapport de force et qui permettent de marteler une rhétorique nationaliste.
Cette fois, l'approche semble plus construite - même si Donald Trump ne se prive jamais de volte-face spectaculaires, et a jusqu'ici menacé plus qu'il n'a taxé.
Pour mieux comprendre son projet, voyons ce que Peter Navarro, aujourd'hui conseiller au commerce de Donald Trump, écrivait dans le "Projet 2025", ce programme de gouvernement très conservateur et extrêmement détaillé qui inspire de nombreuses décisions de l'administration Trump 2.0.
"L'Amérique se fait plumer chaque jour", assène-t-il dans une contribution intitulée "Pour un commerce équitable", en appelant à renverser le "dogme" du libre-échange, cette idéologie "mondialiste" élaborée dans une "tour d'ivoire universitaire."
Peter Navarro - dont plusieurs éléments de langage ont été adoptés par Donald Trump et la Maison Blanche - appelle en particulier à répliquer contre les barrières "non tarifaires", en clair à assommer de droits de douane les pays qui selon lui protègent leurs marchés par des normes et régulations.
Il est intéressant de noter que son analyse est suivie, dans le volumineux document, d'un contre-argumentaire signé de Kent Lassman, partisan d'un libre-échange régulé.
Ce lobbyiste, dont l'opinion n'a de toute évidence pas prévalu, appelle à faire preuve "d'humilité" dans la politique commerciale, en écrivant: "ce n'est pas une panacée".
"Âge doré"
Le protectionnisme à la Trump trouve aussi son inspiration dans une période particulière de l'histoire américaine, "L'âge doré" ("The Gilded Age"), une période de croissance démographique explosive, d'innovation technologique fulgurante et d'industrialisation à grande vitesse couvrant la fin du XIXème siècle et le début du XXème.
L'une des premières décisions de Donald Trump à son retour au pouvoir a été de rendre hommage à celui qu'il a qualifié de "roi des droits de douane", le président William McKinley (1897-1901), grand partisan du protectionnisme.
Le républicain a décidé de redonner au Denali, plus haut pic d'Amérique du Nord situé en Alaska, son ancien nom de "Mont McKinley", qui avait été modifié selon le souhait des populations autochtones.
Les États-Unis n'ont jamais été "aussi riches qu'entre 1870 et 1913", dit souvent le président américain, affirmant que cette prospérité révolue s'expliquait par les droits de douane élevés alors en vigueur.
Les historiens soulignent que le fameux "Âge doré", s'il a permis l'enrichissement faramineux de certains grands banquiers ou capitaines d'industrie, a été synonyme de cruelle pauvreté pour des millions de personnes.
L'époque doit son nom à un féroce roman de Mark Twain et Charles Dudley Warner, ("The Gilded Age: A Tale of Today"), peuplé de spéculateurs cupides et de politiciens corrompus.
Par Aurélia END, AFP
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