Turquie: le maire d'Istanbul envoyé en prison pour \
Des manifestants se heurtent à la police anti-émeute turque lors d'une manifestation à la suite de l'arrestation du maire d'Istanbul, à Ankara, le 22 mars 2025. Imamoglu, qui est le principal rival du président turc, a été arrêté le 19 mars 2025, quelques jours avant qu'il ne soit officiellement nommé candidat du CHP, le principal parti d'opposition, pour la course à la présidence de 2028. ©Adem Altan / AFP

Un juge a ordonné dimanche l'incarcération pour "corruption" du maire d'opposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu, dont l'arrestation mercredi a déclenché une vague de contestation inédite en Turquie depuis plus d'une décennie.

La justice a en revanche rejeté une demande d'incarcération pour "terrorisme" à l'encontre de l'élu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, a appris l'AFP.

L'un des avocats du maire a aussitôt annoncé qu'il contestera l'ordre d'incarcération.

"Je suis debout, je ne plierai jamais", a promis M. Imamoglu dans un message publié sur X, jurant que "tout ira bien": un slogan qu'il avait fait sien en 2019 après l'annulation de son élection comme maire d'Istanbul, finalement obtenue de haute main lors d'un second scrutin.

Le maire, âgé de 53 ans, avait été amené samedi soir avec quatre-vingts de ses coaccusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d'y être entendu à deux reprises dans la nuit.

Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force d'opposition à laquelle il appartient, a dénoncé "un coup d'État politique" et appelé à "continuer à se battre".

Primaire maintenue

La justice a ordonné dimanche matin l'incarcération d'autres coaccusés du maire, dont l'un de ses proches conseillers, au moment où s'ouvrait la primaire du CHP devant introniser Ekrem Imamoglu comme son candidat à la prochaine présidentielle.

Le parti a décidé de la maintenir de façon symbolique, appelant tous les  citoyens à voter, même les non-inscrits. Selon les premiers constats de l'AFP, à Istanbul et à Ankara, la capitale, la foule s'y pressait nombreuse.

Jusque tard, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées samedi soir devant l'hôtel de ville d'Istanbul, pour le quatrième soir consécutif, à l'appel de l'opposition afin d'y soutenir M. Imamoglu, qui a dénoncé des accusations "immorales et sans fondement" à son encontre.

Des manifestants ont passé la nuit à l'intérieur de la mairie, parfois sur des chaises disposées dans le hall du vaste bâtiment en attendant d'être fixés sur le sort du maire, a constaté un photographe de l'AFP.

Pour tenter de prévenir des troubles, le gouvernorat d'Istanbul a prolongé l'interdiction de rassemblements jusqu'à mercredi soir et annoncé des restrictions d'entrée dans la ville aux personnes susceptibles de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en œuvre.

Depuis mercredi, la vague de protestation déclenchée par l'arrestation de M. Imamoglu s'est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d'Istanbul.

Des rassemblements ont eu lieu cette semaine dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l'AFP.

"Terreur de la rue"

Ces manifestations ont débouché sur des centaines d'arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités.

"Les manifestations vont se poursuivre (...). Nous défendrons nos droits jusqu'au bout. La nation est debout et ne pliera pas", a déclaré dimanche matin à l'AFP Ayten Oktay, une pharmacienne de 63 ans interrogée à Istanbul.

"Il n'y a plus de justice dans ce pays. Mais notre maire n'est pas seul, nous allons faire de lui notre prochain président", a lancé Cem Hacihametoglu, un Stambouliote de 47 ans.

La coprésidente du parti prokurde DEM, deuxième force d'opposition, Tülay Hatimogullari, a dénoncé un "coup d'Etat contre la justice et la démocratie".

Paris et Berlin ainsi que les maires de plusieurs grandes villes européennes avaient également condamné dès mercredi l'arrestation de M. Imamoglu.

En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d'Istanbul dans les années 90, a juré de ne pas céder à la "terreur de la rue".

Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire d'Erdogan en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l'État, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis vingt-cinq ans.

L'édile d'opposition, triomphalement réélu l'an passé, devait assister initialement dimanche à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028.

AFP

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