Dopée à la dette, l'économie allemande espère retrouver la santé
Franziska Brantner (à droite) et Felix Banaszak, codirigeants du parti allemand des Verts, font une déclaration devant le siège de leur parti à Berlin. ©RALF HIRSCHBERGER/AFP

L'Allemagne prépare une relance économique massive à coups de centaines de milliards d'euros d'investissements financés par l'endettement, dans le cadre d'un plan débattu à partir de jeudi par les députés.

Ouvrir les vannes de la dépense suffira-t-il au redémarrage de la croissance en berne ? La première économie européenne a aussi besoin de réformes structurelles, préviennent les économistes.

Les secteurs gagnants

Pour les conservateurs de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD, en passe de former la nouvelle coalition gouvernementale, restaurer la compétitivité de l'industrie est une priorité.

Leur ébauche de programme prévoit de baisser la taxe sur l'électricité et de diviser par deux les redevances pour le réseau, une mesure saluée par la fédération allemande de l'industrie (BDI) et attendue par les secteurs énergivores, comme la chimie ou la sidérurgie, mais aussi par tout le tissu de PME qui a souffert de l'envolée des coûts de l'électricité.

Autres gages donnés aux entreprises : une réforme des impôts de production et la réduction de 25% des coûts liés à des démarches administratives jugées trop lourdes.

Piliers de l'accord entre les deux partis, une hausse drastique des dépenses militaires et un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur dix ans pour rénover les infrastructures -ponts, routes, écoles- promettent de beaux jours aux secteurs de l'armement et de la construction.

Ce dernier pourrait vivre un "âge d'or", selon les analystes de Stifel, avec une augmentation de la production annuelle de 11% et un retour aux niveaux d'avant la guerre en Ukraine d'ici 3 ans.

Pour l'industrie automobile en crise, les partis veulent rétablir des "incitations" à l'achat de voitures électriques, après la suppression brutale des aides publiques fin 2023.

L'abaissement de la TVA dans les restaurants de 19% à 7% doit aider ce secteur qui a souffert de l'inflation, mais c'est "un cadeau pour les ménages aisés", selon l'institut économique ZEW.

Les conservateurs de Friedrich Merz ont aussi décidé le rétablissement de la ristourne sur le diesel agricole, réclamé par les agriculteurs.

Dans un contexte de pénurie de main d'oeuvre, ils proposent une exonération d'impôts jusqu'à 2.000 euros mensuels pour inciter à travailler après l'âge légal de départ à la retraite.

Les déçus

Les Verts allemands menacent de bloquer le plan géant d'investissements faute de dépenses spécifiquement dédiées à la transition climatique.

Certaines mesures annoncées sont même "préjudiciables à l'environnement", souligne Claudia Kemfert, économiste de l'institut DIW, comme l'augmentation de l'allocation versée aux automobilistes pour leur trajet quotidien au travail ("Pendlerpauschale").

Pour le journal FAZ, les grands perdants sont les "générations futures", qui devront assumer le refus de la future coalition de relever l'âge légal de départ à la retraite.

"Au cours des 15 prochaines années, les plus jeunes devront ainsi débourser 500 milliards d'euros supplémentaires (sous forme de cotisations) pour financer les retraites légales", estime le quotidien libéral.

Le SPD a aussi dû concéder un durcissement du dispositif d'allocation chômage, qu'il a assoupli en 2021.

Pour le journal Handelsblatt, "c'est quasiment le retour à Hartz IV", l'ancien système introduit dans les années 2000 très controversé pour ses contrôles et ses sanctions des chômeurs.

Quels effets sur la croissance ?

La future coalition veut, avec son programme, que "le potentiel de croissance" de l'Allemagne "dépasse à nouveau nettement 1%", contre 0,4% actuellement.

Pour l'heure, une troisième année consécutive de récession n'est pas à exclure, selon les experts. Le gouvernement prévoyait, avant le plan de relance, une morne croissance de 0,3% en 2025.

Selon l'institut économique berlinois DIW, le stimulus de dépenses du fonds de 500 milliards d'euros va doper la performance économique d'environ 1% l'année prochaine puis de plus de 2% par an en moyenne à partir de 2027.

Mais "il y a un risque que ce fonds soit réaffecté à des dépenses de consommation plutôt que d'investissements", prévient Carsten Brzeski de la banque ING.

Friedrich Heinemann, du centre de recherche ZEW, se joint à cette critique en accusant les deux partis de "clientélisme".

L'endettement "ne suffira pas à résoudre la faiblesse de la croissance allemande", le pays a aussi besoin de réformes, a souligné lundi Joachim Nagel, président de la Bundesbank.

Les investissements promis "devraient renforcer sensiblement l'économie allemande" sans "renouer définitivement avec une croissance vigoureuse", analyse Holger Schmieding de la banque Berenberg.

Le plan ne fixe pas de "priorités claires pour l'utilisation de l'argent public" et propose "d'avantage de subventions que d'économies", ajoute-t-il.

Par Clement KASSER-AFP

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