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Des fidèles assistent à la messe de Noël le matin du 25 décembre 2024 à la cathédrale grecque orthodoxe Saint-Georges dans la ville côtière de Lattaquié, en Syrie. ©Aaref Watad / AFP

Victimes collatérales des violences dans l'ouest de la Syrie qui ont fait plus d'un millier de morts civils, les chrétiens de la ville de Lattaquié vivent dans la peur, barricadés chez eux, selon les témoignages de plusieurs d'entre eux recueillis par l'AFP.

"Le conflit en cours en Syrie ne nous concerne pas, mais nous en sommes victimes", dit Roueida, une femme de 36 ans jointe au téléphone qui refuse de donner son nom de famille, comme toutes les autres personnes interrogées.

"Nous sentons que personne ne nous protège (...). Je suis désormais convaincue que l'émigration en général est la seule solution", ajoute-t-elle.

La communauté chrétienne de Syrie comptait un million de personnes avant le début de la guerre civile en 2011, mais est estimée par les experts à moins de 300,000 aujourd'hui, notamment en raison d'une émigration massive.

Les violences dans la région de Lattaquié sont les plus graves depuis la prise du pouvoir le 8 décembre par une coalition dirigée par des islamistes radicaux, qui avait déjà provoqué l'inquiétude de la communauté chrétienne déclinante.

Les combats ont été déclenchés par une attaque sanglante, le 6 mars, de partisans du régime déchu de Bachar al-Assad contre les forces de sécurité dans la région de Lattaquié, où se concentre la minorité alaouite dont est issu le clan Assad.

Selon une ONG, le bilan des victimes civiles s'élève à 1068 morts, dans leur écrasante majorité des Alaouites victimes d'exécutions sommaires menées par les forces de sécurité ou des groupes alliés, dont des jihadistes.

Mais un petit nombre de chrétiens figure parmi les victimes. L'AFP a pu recenser au moins sept chrétiens tués, selon les faire-part publiés sur Facebook par leurs églises respectives.

Un homme et son fils ont été tués par un groupe armé alors qu'ils se rendaient en voiture à Lattaquié, selon une de leurs connaissances.

Quatre autres membres d'une même famille ont été tués dans leur maison dans un quartier à majorité alaouite de Lattaquié, a indiqué l'un de leurs proches. Le père d'un prêtre a été tué dans la ville de Banyas, selon des connaissances.

Tous ceux qui ont fourni des informations à l'AFP ont requis l'anonymat.

Arrêter "les massacres"

Dans son homélie à Damas, le patriarche orthodoxe d'Antioche, Jean X, a appelé dimanche le président par intérim Ahmad al-Chareh à arrêter "les massacres" sur la côte syrienne.

"Les zones visées étaient celles des Alaouites et des chrétiens. De nombreux chrétiens innocents ont également été tués", a-t-il souligné sans en préciser le nombre.

"Nous restons à la maison depuis le début de l'escalade et barricadons nos portes de peur de l'entrée de combattants étrangers", a témoigné à l'AFP, sous couvert d'anonymat, un habitant chrétien de Lattaquié.

Des jihadistes non-Syriens sont accusés par des témoins d'avoir pris part aux massacres. Dans une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, l'un d'eux menace les chrétiens et les Alaouites.

Lundi, le calme est progressivement revenu à Lattaquié et les forces de sécurité ont érigé des barrages de contrôle aux entrées des quartiers à majorité alaouite, selon un correspondant de l'AFP, mais la tension reste palpable.

"Nous sommes très inquiets, les gens sont blancs de peur", dit Hiba, une institutrice chrétienne de 40 ans.

"Nous ne savons pas ce qui nous attend à l'avenir, même s'il n'y a pas eu d'exactions touchant directement les chrétiens comme cela s'est produit contre les quartiers alaouites", ajoute-t-elle, précisant que les chrétiens tués "ont été victimes de balles perdues ou ont été tués en se déplaçant d'un endroit à un autre".

Samedi soir, les églises de Lattaquié ont appelé leurs fidèles à "ne pas se laisser gagner par les rumeurs".

Elles ont indiqué que leurs représentants s'étaient entretenus avec des responsables des autorités qui leur ont transmis "un message rassurant".

Depuis son arrivée à la tête d'un pays multiethnique et multiconfessionnel, déchiré par plus de 13 ans de guerre civile, M. Chareh s'efforce de rassurer les minorités.

Mais cela ne suffit pas à calmer les inquiétudes de Gabriel, un artisan de 37 ans de Lattaquié.

"Je ne suis pas rassuré quant à mon avenir, et ne n'ose pas me marier et avoir des enfants ici", dit-il.

"Il y a dix ans, j'ai eu l'occasion de partir au Canada, mais j'ai pensé que la situation allait s'améliorer. Aujourd'hui, je regrette de ne pas avoir saisi l'occasion".

Avec AFP

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