Washington met fin à une dérogation accordée à l'Irak pour l'achat d'électricité de l'Iran
Cette photo montre le complexe de la raffinerie Al-Dora à Bagdad, capitale de l'Irak, le 17 décembre 2024. ©Ahmad Al-Rubaye / AFP

Washington "n'a pas renouvelé" une dérogation accordée à l'Irak depuis 2018 permettant à Bagdad d'importer de l'électricité de l'Iran voisin malgré les sanctions américaines imposées à Téhéran, a confirmé dimanche une porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis dans la capitale irakienne.

Pris en étau entre l'influent parrain iranien et l'allié stratégique américain, Bagdad bénéficiait depuis 2018 d'exemptions de Washington pour acheter de l'électricité et du gaz à l'Iran.

Le président américain Donald Trump a réclamé des négociations avec l'Iran pour encadrer son programme nucléaire, mais il a aussi remis en place la politique dite des "pressions maximales" initiée lors de son premier mandat (2017-2021), afin d'affaiblir le pays économiquement et l'isoler sur la scène internationale.

"Le 8 mars, le département d'Etat américain n'a pas renouvelé la dérogation accordée à l'Irak pour l'achat d'électricité iranienne", a indiqué dimanche la porte-parole de l'ambassade américaine à Bagdad dans un communiqué envoyé à l'AFP.

La décision "garantit que l'Iran ne bénéficie d'aucun degré de soulagement économique ou financier", selon l'ambassade.

"Nous appelons le gouvernement irakien à mettre fin à sa dépendance aux sources énergétiques iraniennes aussitôt que possible."

Les importations de gaz et d'électricité de l'Iran représentent un tiers des besoins énergétiques de l'Irak, pays aux immenses richesses pétrolières mais ravagé par des décennies de conflits et abonné aux délestages quotidiens.

En raison d'impayés irakiens mais aussi d'une hausse de sa consommation domestique, Téhéran suspend régulièrement ses approvisionnements en gaz à l'Irak, entraînant encore plus de coupures électriques dans le pays de 46 millions d'habitants --surtout l'été, quand les températures dépassent parfois les 50 degrés Celsius.

Approvisionnement "jamais fiable"

L'approvisionnement électrique iranien "n'a jamais été fiable" et a même atteint ses niveaux annuels les plus bas ces trois dernières années, confirme Yesar Al-Maleki, économiste au Middle East Economic Survey.

Mais avec la fin de la dérogation américaine, "l'Irak aura des difficultés à fournir de l'électricité durant les pics de demande estivaux", et des températures amenées à augmenter dès les prochaines semaines, reconnaît-il.

Pour pallier le manque, Bagdad peut notamment se tourner vers "des fournisseurs d'électricité indépendants" de la région autonome du Kurdistan irakien ou augmenter ses importations d'électricité turque lancées en 2024, a-t-il dit à l'AFP.

Les autorités ambitionnent aussi d'éliminer progressivement d'ici 2028 le torchage de gaz, exploitant ce gaz brûlé sur les champs pétroliers et l'utilisant pour alimenter les centrales électriques irakiennes, et ainsi atteindre l'autosuffisance énergétique.

Le gouvernement du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, porté au pouvoir par une coalition de partis pro-Iran, rappelle régulièrement que son pays veut diversifier ses sources d'énergie.

"Opportunités aux entreprises américaines"

L'ambassade américaine a indiqué que les importations d'électricité de l'Iran représentaient en 2023 "seulement 4% de la consommation électrique en Irak".

"La transition énergétique de l'Irak offre des opportunités aux entreprises américaines, disposant d'une expertise à la renommée mondiale pour accroître la productivité des centrales électriques", ajoute le communiqué américain.

La dérogation qui n'a pas été renouvelée concerne uniquement l'électricité, selon Yesar al-Maleki: "les importations de gaz relèvent d'une législation américaine distincte --reste à voir si Washington va décider de les annuler par la suite".

Cité samedi par l'agence étatique INA, le porte-parole du gouvernement irakien Bassem al-Awadi assurait que les autorités se préparaient "à tous les scénarios", y compris le recours à des navires transportant du gaz naturel liquéfié.

La démarche de Washington intervient à un moment où les tensions ont repris avec l'Iran, poids lourd régional disposant d'une influence politique et économique incontournable en Irak.

Si Donald Trump a déclaré avoir écrit à l'Iran pour proposer des négociations, il a aussi brandi la menace d'une intervention militaire. Le guide suprême iranien a réagi samedi en fustigeant une politique d'"intimidation" des Etats-Unis.

Dimanche l'ambassade américaine a rappelé que la "campagne de pression maximale" du président Trump "vise à mettre fin à la menace nucléaire de l'Iran, limiter son programme de missiles balistiques, et l'empêcher de soutenir des groupes terroristes" --en allusion aux groupes armés pro-Iran engagés au Moyen-Orient, notamment en Irak.

Avec AFP

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