Syrie: au moins 745 civils alaouites tués par les forces de sécurité et des groupes alliés
Cette photo diffusée par l'agence officielle Syrian Arab News Agency (SANA) montre des membres des forces de sécurité syriennes entrant dans la ville occidentale de Banias, dans la province côtière de Tartous, pour renforcer les troupes gouvernementales lors d'affrontements avec des militants loyaux à l'ex-dirigeant déchu Bachar el-Assad, le 7 mars 2025. ©SANA / AFP

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a fait état samedi d’au moins 745 civils alaouites tués depuis jeudi par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés, au cours d'opérations et de combats avec des fidèles du président déchu Bachar al-Assad dans l'ouest du pays.

L'OSDH a indiqué que "745 civils alaouites ont été tués dans les régions de la côte syrienne et des montagnes de Lattaquié par les forces de sécurité et des groupes affiliés" depuis jeudi. Cela porte le bilan des violences à plus de 1.018 morts, dont 273 membres des forces de sécurité et des combattants loyaux au clan Assad, selon la même source.

Ces violences sont les premières de cette ampleur depuis la prise de pouvoir le 8 décembre en Syrie d'une coalition rebelle emmenée par le groupe islamiste radical sunnite Hayat Tahrir al-Sham, HTS. Elles ont éclaté jeudi après plusieurs jours de tensions dans la région de Lattaquié, un bastion de la minorité musulmane alaouite, dont est issu le clan Assad.

Dans une déclaration, le Hezbollah, allié du dictateur déchu, a nié toute implication dans les affrontements, rejetant les accusations selon lesquelles il se trouverait impliqué dans le conflit. 

L'ONG, basée au Royaume-Uni et disposant d'un vaste réseau de sources en Syrie, pointe des "exécutions sur des bases confessionnelles ou régionales" assorties "de pillages de maisons et de biens."

"Retour au calme relatif"

L'ODSH a signalé samedi un "retour au calme relatif" dans la zone, tout en précisant que les forces de sécurité poursuivaient leur "ratissage dans les zones où se retranchent les hommes armés".

Une source du ministère de la Défense rapportée par l'agence officielle Sana a indiqué que "les routes menant à la région côtière ont été fermées afin de contrôler les infractions, prévenir les exactions et rétablir progressivement la stabilité dans la région".

Tôt samedi, Sana a rapporté que les forces de sécurité avaient repoussé "une attaque menée par les résidus du régime déchu" visant l'hôpital national dans la ville de Lattaquié.

Le rétablissement de la sécurité est le principal défi pour le nouveau pouvoir syrien, après plus de 13 ans de guerre civile.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a appelé vendredi soir les insurgés alaouites à "déposer les armes avant qu'il ne soit trop tard". "Nous continuerons à oeuvrer au monopole des armes entre les mains de l'Etat", a-t-il ajouté dans un discours.

L'escalade s'est enclenchée après une attaque sanglante de fidèles de Bachar al-Assad contre des forces de sécurité dans la ville côtière de Jablé dans la nuit de jeudi à vendredi, selon les autorités.

Les forces de sécurité ont envoyé le lendemain des renforts et lancé d'importantes opérations de ratissage dans la région.

"Exactions"

Des témoignages sur des exactions contre les civils alaouites, que l'AFP n'a pas été en mesure de vérifier indépendamment, se multiplient sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook, émanant de proches ou amis des victimes.

Une militante a écrit que sa mère et ses frères et soeurs avaient été "tous massacrés dans leur maison", tandis que des habitants de Banyas dans la province de Tartous plus au sud ont lancé des appels urgents à une intervention pour les protéger.

Des images diffusées par Sana montraient samedi ce qu'elle décrit comme un convoi de forces de sécurité entrant à Banyas.

L'OSDH et des militants ont publié vendredi des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, des femmes pleurant à proximité.

Dans une autre séquence, des hommes en tenue militaire ordonnent à trois personnes de ramper en file, avant de leur tirer dessus à bout portant.

L'AFP n'a pas pu vérifier ces images de manière indépendante.

Une source sécuritaire citée par Sana avait fait état vendredi d'"exactions isolées", les imputant à des "foules (...) non organisées" agissant en représailles à "l'assassinat de plusieurs membres des forces de police et de sécurité" par des "fidèles à l'ancien régime".

L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, s'est dit "profondément alarmé", exhortant toutes les parties à "la retenue", un appel également lancé par Berlin et plusieurs capitales de la région. Moscou, qui a accueilli son ex-allié Bachar al-Assad, a appelé les dirigeants syriens à "stopper le bain de sang".

Selon Aron Lund, du centre de réflexion Century International, la flambée de violences témoigne de la "fragilité du gouvernement", dont une grande partie de l'autorité "repose sur des jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu".

Depuis son arrivée au pouvoir, M. Chareh s'efforce de rassurer les minorités et a appelé ses forces à faire preuve de retenue et éviter toute dérive confessionnelle, mais cette ligne n’est pas nécessairement partagée par l'ensemble des factions qui opèrent sous son commandement, et forment aujourd'hui "l'armée et la police", selon M. Lund.

Avec AFP

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