Syrie: un nouveau chapitre de tensions entre les forces pro-Assad et les autorités?
Cette photo diffusée par l'agence de presse officielle arabe syrienne (SANA) montre les forces syriennes se déployant dans la ville occidentale de Baniyas, dans la province côtière de Tartous, le 7 mars 2025, pour renforcer les troupes gouvernementales dans les affrontements avec les militants fidèles au dirigeant déchu Bachar el-Assad. ©SANA / AFP

La boîte de Pandore qui s’est ouverte, en 2011, en Syrie, n’est pas près de se refermer. Après la guerre civile qui a éclaté il y a 14 ans, une nouvelle phase de tensions s’est ouverte au lendemain de la destitution de l’ancien président Bachar el-Assad et son exil en Russie. Jeudi, les combats se sont intensifiés dans le pays, notamment dans l’Ouest, des partisans de l’ancien régime ayant mené des attaques coordonnées contre les forces de la nouvelle administration dirigée par Ahmad el-Chareh.   

Affrontements meurtriers sur le littoral syrien 

Les affrontements se sont concentrés sur le littoral méditerranéen, en particulier dans les provinces de Lattaquié et de Tartous, bastions historiques du régime Assad. Ils n’ont pas été sans un lourd bilan sur le plan humain. Selon les derniers recensements, plus de 70 personnes auraient perdu la vie et des dizaines d’autres auraient été blessées du fait de violentes altercations. Aussi, un couvre-feu a-t-il été imposé dans ces régions à majorité alaouite. 

Selon des sources locales, les heurts les plus violents ont éclaté sur la route stratégique reliant Alep à Lattaquié, où un convoi militaire de l'armée syrienne a été pris pour cible par des groupes pro-Assad. 

En réponse, des unités d’élite de la défense syrienne ont été envoyées en urgence dans la région côtière, avec le soutien de blindés et de l’aviation militaire. Alors que des embuscades et des accrochages violents étaient signalés à Jablé (dans le gouvernorat de Lattaquié), les forces de sécurité syriennes ont lancé une vaste opération visant à neutraliser les milices pro-Assad, parallèlement au déploiement des renforts dans la région.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), quelque 69 alaouites ont été exécutés par les forces de sécurité, notamment à Al-Chir et Al-Moukhtariyé (Lattaquié). 

“Cette situation est le résultat de la conjoncture post-régime de Bachar al-Assad”, souligne David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et directeur de la revue Orients stratégiques.

D’après lui, “les exécutions sommaires, répertoriées par l’OSDH, auraient été le point de départ du conflit”. 

En effet, selon le responsable de la sécurité à Lattaquié, ces exécutions menées par les forces du nouveau régime auraient été “planifiées et préméditées”, ce qui expliquerait les “représailles des combattants pro-Assad”. 

Il n’en demeure pas moins que, selon une source sécuritaire, “les embuscades et les attaques planifiées indiquent une organisation structurée des forces loyalistes de l’ancien régime, ce qui nous pousse à nous interroger sur les tenants et les aboutissants de cette ‘insurrection’”. 

Un acte prémédité?

Si la nature exacte de ces affrontements reste difficile à évaluer, plusieurs indices laissent penser qu’il ne s’agit pas d’actions isolées, comme le précisent certains observateurs. “L’intensité et la coordination des attaques suggèrent un plan prémédité, possiblement orchestré par des figures de l’ancien régime, sous le regard ‘latent’ de Bachar el-Assad, depuis la Russie où il se trouve”, estime-t-on de source sécuritaire. L’objectif? “Déstabiliser la transition politique et maintenir une pression militaire sur l’administration d’Ahmad el-Chareh”, poursuit-on de même source.

D’autres analystes considèrent, au contraire, ces violences comme une tentative désespérée de la part des derniers fidèles de l’ancien régime, qui chercheraient avant tout à perturber la transition politique et à préserver ce qui reste de leur “influence”. Face à cette menace, les nouvelles autorités syriennes assurent que leurs opérations visent à restaurer l’ordre et l’unité dans le pays, tout en évitant de transformer ce conflit en une lutte à caractère sectaire. 

“Il faut comprendre qu’en arrière-plan, il y a la question sensible des minorités ethno-confessionnelles dont la plus sensible est celle de la minorité alaouite qui s’est trouvée indexée sur l’ancien régime issu de cette minorité, même s’il n’en était pas nécessairement l’expression univoque, mais aussi celle du désarmement”, affirme M. Rigoulet-Roze. 

La situation actuelle montre, d’après lui, que “la transition pacifique et ordonnée du changement de régime se heurte à des problèmes à la fois techniques (celui du désarmement) et ethno-confessionnelles (qui se traduisent par l’inquiétude des minorités concernant les intentions du nouveau pouvoir)”. Inquiétudes renforcées par un fait qui a suscité des remous au sein de la communauté kurde. En février dernier, les kurdes n’ont pas été conviés à la conférence syrienne tenue à Damas, la présence des formations armées n’ayant pas été autorisée. Une décision qui concernait implicitement les Forces démocratiques syriennes (FDS), bras militaire de l’administration kurde, accusées de conserver leurs armes. 

Étant donné la nature des affrontements actuels, la question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si ces combats ne sont que les prémices d’un conflit prolongé ou si le gouvernement par intérim parviendra à neutraliser cette insurrection et asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire syrien. 

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