L’or de la BDL: un trésor intouchable ou une solution de dernier recours?
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À la suite de la déclaration ministérielle et du discours d'investiture qui l'a précédée, il est clair qu'un nouvel élan se profile pour résoudre les dossiers économiques en suspens. Des propositions émergent, notamment l'idée d'utiliser les réserves d’or de la Banque du Liban (BDL) pour tenter de combler partiellement le déficit financier. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'une injection urgente de liquidités est indispensable.

Injection de liquidités

La question de l’utilisation de l’or de la BDL est délicate et suscite de vives controverses. Une grande partie de l’opinion publique peine à l’accepter, la voyant comme “le trésor intouchable” ou “la ligne rouge”, tandis que d’autres la considèrent comme “la solution de dernier recours”.

Certains suggèrent que des liquidités pourraient être générées en vendant une partie des actifs en or de la Banque centrale. D'autres proposent de les hypothéquer, en veillant à ce que les fonds obtenus soient investis de manière prudente et conservatrice, notamment dans des bons du Trésor américain et des actions de sociétés cotées en bourse, bénéficiant d'une notation élevée par les agences de notation internationales.

Réserves d’or de la BDL

Les réserves d'or de la Banque du Liban (BDL) sont estimées à environ 286,8 tonnes, soit 9.222.437,73 onces troy. Si l’on considère que ces réserves sont principalement composées de lingots standard de 400 onces troy (environ 12,44 kg), cela représenterait environ 23.056 lingots d'or. L'once troy, utilisée pour mesurer le poids des métaux précieux comme l'or, le platine ou l'argent, est l'unité classique de mesure.

Il est important de noter que ces réserves sont partiellement stockées dans les coffres de la BDL à Beyrouth, tandis qu'une autre partie est conservée dans des lieux sécurisés à l'international, notamment à la Réserve fédérale de New York (FRBNY). Selon les informations disponibles, environ 40% de l'or de la BDL est stocké aux États-Unis, soit environ 3.707.703,13 onces troy, tandis que le reste, soit 5.514.734,6 onces troy, est conservé au Liban.

Fouad Zmokhol, président du Mouvement international des chefs d’entreprises libanaises (Midel) rappelle que la société Alvarez & Marsal Holdings, LLC avait en 2019-2020 estimé la valeur des avoirs en lingots d’or de la BDL à près de 15 milliards de dollars. “Aujourd'hui, après des hausses historiques du prix de l'or, leur valeur a augmenté pour atteindre près de 27 milliards de dollars, générant ainsi un gain d'environ 12 milliards de dollars sur une période de cinq ans”, dit-il.

Selon lui, les réserves de la Banque centrale et ses actifs ont aujourd’hui atteint plus de 37 milliards de dollars, répartis comme suit: 10,3 milliards de dollars en réserves de devises étrangères et 27 milliards en actifs ainsi qu'en réévaluation de l’or. Cela fait du Liban l’un des pays en difficulté financière les plus riches, sachant que ces 37 milliards de dollars représentent environ deux fois la valeur de son produit intérieur brut, qui se situe entre 18 et 20 milliards de dollars.

Dans ce contexte, il est bon de signaler que la plupart des métaux précieux, y compris les lingots d'or d'une once, sont considérés comme des actifs hautement liquides, même s'ils ne sont pas immédiatement convertibles en espèces comme les actions ou les obligations négociées sur les principales places boursières. 

Pari risqué

Les opposants à la vente ou à l’hypothèque de l’or craignent une mauvaise gestion des fonds qui en découleraient. Ils rappellent que l’État a déjà dépensé plus de 24 milliards de dollars depuis 2019, sans entreprendre la moindre réforme. Dès lors, comment envisager de dilapider l’or, seule véritable richesse stratégique du Liban?

Dans le même esprit, certains estiment qu’il est encore trop tôt pour débattre du sort de l’or ou des autres actifs de l’État. La véritable question, qui mêle enjeux économiques et politiques, porte avant tout sur la répartition des pertes entre l’État, la Banque du Liban, les banques et les déposants, ainsi que sur la part de responsabilité que devra assumer chaque acteur.

La balle dans le camp du Parlement

L'article 42/1986 de la législation libanaise interdit strictement toute utilisation ou disposition des réserves d'or de la Banque du Liban (BDL) sans autorisation préalable du Parlement. Il établit une protection absolue de ces avoirs en or, en précisant que, “par exception et en dérogation à toute autre disposition, il est formellement interdit de disposer des réserves d’or de la Banque du Liban, quelle que soit la nature de cette disposition”.

Cette loi a été adoptée pour empêcher toute tentative de vente, d’échange ou d’utilisation des réserves d’or afin de préserver la stabilité financière du pays.

 

 

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