Le PKK prêt à embrasser la paix avec la Turquie
Une femme kurde irakienne agite un drapeau portant le portrait du fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan, alors que des personnes se rassemblent au Freedom Park pour écouter un message audio du leader emprisonné à Sulaimaniyah, dans la région autonome du Kurdistan irakien, le 27 février 2025. ©Shwan MOHAMMED / AFP

Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a approuvé samedi l'appel de son chef historique Abdullah Öcalan à cesser les hostilités avec la Turquie et à ouvrir les discussions en vue de sa dissolution.

“Nous déclarons un cessez-le-feu à partir d'aujourd'hui", a annoncé le comité exécutif du PKK, basé dans le nord de l'Irak, répondant ainsi à l'appel historique de son fondateur, emprisonné depuis 26 ans.

Quelques heures plus tard, le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé, lors d'un dîner de rupture du jeûne du ramadan à Istanbul: "Si les promesses faites ne sont pas tenues et si une tentative est faite pour retarder (...) ou pour tromper (...) nous poursuivrons nos opérations en cours (...) jusqu'à l'élimination du dernier terroriste".

Cette trêve, si elle est respectée et débouche sur un accord de paix, mettrait fin à quatre décennies de guérilla qui ont fait au moins 40.000 morts.

Dans un long message publié en turc par l'agence ANF, proche du parti armé, le PKK a approuvé en lettres capitales le message de M. Öcalan, délivré jeudi à Istanbul: "NOUS SOMMES D'ACCORD AVEC LE CONTENU DE L'APPEL TEL QU'IL EST, ET NOUS DÉCLARONS QUE NOUS LE RESPECTERONS ET LE METTRONS EN ŒUVRE".

"Aucune de nos forces ne mènera d'action armée à moins d'être attaquée", a-t-il affirmé.

M. Öcalan a lancé jeudi un appel pour "la paix et une société démocratique", ordonnant au PKK de "déposer les armes" et de "se dissoudre".

 "Apo doit diriger le congrès"  

Pour lui, l'époque qui prévalait lorsqu'il a décrété la lutte armée, en 1984, est révolue, a-t-il insisté, affirmant "assumer la responsabilité historique de cet appel".

La direction du PKK réclame la liberté pour son fondateur, âgé de 75 ans, condamné à vie et détenu sur une île au large d'Istanbul: "Le dirigeant Abdullah Öcalan doit pouvoir vivre et travailler en toute liberté physique et établir des relations sans entrave avec qui il veut".

Preuve que malgré le temps "Apo" ("oncle, en kurde) inspire toujours le respect, le PKK l'a appelé à diriger en personne le congrès du parti qui procèdera à sa dissolution. "Seul le leadership pratique du leader Apo peut permettre la réalisation pratique de questions telles que le dépôt des armes. POUR LE SUCCES DU CONGRES, LE LEADER APO DOIT LE DIRIGER PERSONNELLEMENT", a souligné le PKK, proclamant, de nouveau en lettres capitales, que "L'APPEL (de M. Öcalan) N'EST PAS UNE FIN MAIS UN NOUVEAU DÉPART".

Les autorités turques avaient initié le dialogue en octobre via le principal parti prokurde représenté au Parlement, le DEM, qui s'est rendu à trois reprises auprès du vieux leader du PKK dans sa prison sur l'île d'Imrali.

 "Démocratie et sécurité" 

Pour le vice-président turc Cevdet Yilmaz, "la dissolution de l'organisation terroriste sans négociation signifie une nouvelle ère en termes de développement, de démocratie et de sécurité".

Au lendemain de l'appel de M. Öcalan, Recep Tayyip Erdogan avait salué une "opportunité historique d'avancer en détruisant le mur de la terreur" et promis de "veiller de près" au succès du processus.

S'adressant samedi aux proches de personnes tuées ou blessées par des attaques du PKK, il a assuré qu'il n'y avait rien dans cette initiative "qui puisse déranger les esprits sacrés de nos martyrs". Il a estimé que la Turquie serait gagnante, ainsi que "nos enfants", avec "la garantie de lendemains qui chantent".

Il a néanmoins prévenu: "Notre poing sera toujours prêt si la main que nous tendons n'est pas saisie ou si elle est mordue".

Ce changement de cap était espéré par la population turque et la minorité kurde, la plus importante de Turquie (20% environ de la population), même si les combattants kurdes ont évacué le territoire turc après la dernière flambée de violence en 2015-2016 pour s'établir dans les montagnes du nord de l'Irak et dans le nord-est de la Syrie.

Dans le nord de l'Irak, à Souleimaniyeh, Soran Fatah, 60 ans, a appelé la Turquie à créer les conditions "pour mettre fin à la guerre afin que les Kurdes puissent vivre en paix comme tous les autres peuples".

Pour Bayram Balci, spécialiste de la Turquie au au Centre de recherches internationales (CERI) à Paris, les concessions du PKK s'expliquent notamment par une nouvelle donne régionale: "Le PKK n'a plus les soutiens qu'il avait autrefois" avec le président syrien déchu Bachar el-Assad.

"Il n'aura peut-être plus non plus un soutien aussi fort des Américains dans le nord-est de la Syrie", où Washington maintient encore - mais pour combien de temps? - 1.000 à 2.000 militaires au nom de la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique.

"Il ne suffit pas de déposer les armes", a prévenu vendredi un des responsables du parti DEM, Tuncer Bakirhan. "Le gouvernement doit faire preuve de volonté politique".

Mais l'ex-coprésident du parti, le populaire Selhatatin Dermirtas, a promis depuis sa prison, où il purge une peine de 42 ans, de "faire de (son) mieux pour assurer le succès" de cette initiative.

Par Anne CHAON, AFP

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