Le terrain, l’outil du Hezbollah pour faire passer ses messages
©IBRAHIM AMRO / AFP

Les funérailles de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et du chef du Conseil exécutif de ce mouvement, Hachem Safieddine, dimanche, étaient bien plus qu'une cérémonie d’adieu.

Celle-ci, marquée par une mobilisation populaire massive et une présence iranienne de haut niveau, a revêtu une forte dimension symbolique. Le Hezbollah a voulu envoyer un message sans équivoque: malgré les pertes subies, il demeure une force dominante et influente dans le pays et toute tentative visant à le désarmer devra être soigneusement pesée.

Un message important pour lui, puisque, une fois que le gouvernement obtiendra la confiance du Parlement, la question des armes pourrait être abordée dans le cadre du respect de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU et dans le prolongement du discours d’investiture du président Joseph Aoun. Ce dernier, rappelle-t-on, avait insisté sur le monopole de l’État sur l’usage des armes, soulignant la nécessité de sécuriser et de délimiter les frontières, en particulier au sud et à l’est du pays.

De son côté, Israël a conditionné son retrait total du Liban au désarmement du Hezbollah sur l’ensemble du territoire libanais. Le retrait total des troupes israéliennes du Liban-Sud était initialement prévu le 18 février 2025, mais Tel Aviv a maintenu une présence dans cinq zones stratégiques. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a précisé que ses forces y resteraient et exigé que le Liban honore ses engagements. Néanmoins, derrière cette position israélienne, transparaît une volonté de normalisation des relations avec le Liban.

Mais le tandem Amal-Hezbollah ne l’entend pas de cette oreille. Le président du Parlement et chef du mouvement Amal, Nabih Berry,  a estimé que la question des armes au nord du Litani relevait exclusivement des Libanais et devait être abordée dans le cadre d’une stratégie nationale de défense, qui serait établie lors d'une conférence convoquée par le président Aoun.

Le Hezbollah, par la voix de Naïm Qassem, martèle à son tour que nul n’a le droit de priver les Libanais de leur capacité à défendre leur pays face à Israël, un droit consacré, selon lui, par la Constitution, les déclarations ministérielles et l’accord de Taëf. Il omet juste de préciser que c’est à cause de sa formation qu’Israël est entré au Liban et qu’il a détruit un grand nombre de villages du sud du pays.

Pour le président Aoun, il est indiscutable que le recours à la guerre n’est pas une option envisageable et que la diplomatie devait être privilégiée pour obtenir qu’Israël se retire des cinq points où il maintient une présence. Pour lui, le Liban n’est pas en mesure de supporter un nouveau conflit.

Un député dit du changement va dans le même sens, considérant que les propos de Naïm Qassem “appartiennent à une époque révolue” et rappelant, surtout, que ni la Constitution ni le discours d’investiture ne font mention de la résistance”.

Affaibli et sans ressources, le Hezbollah n’a plus qu’une seule carte, celle de la mobilisation populaire. Les manifestations qu’il a organisées à l’aéroport pour protester contre l’interdiction d’un vol d’une compagnie aérienne iranienne, ont été considérées comme un autre message, au président Aoun. Un message selon lequel ses armes resteront une ligne rouge.

Dans son discours dimanche, Naïm Qassem a réaffirmé que “la résistance n'est pas terminée”. “Nous ne permettrons pas qu’on continue à nous tuer et à occuper notre territoire”, a-t-il ajouté.

Dans le même temps, un député du Hezbollah affirmait que sa formation était prête à discuter de la question de ses armes dans le cadre d’une stratégie de défense.

Face à la montée du soutien en faveur du monopole de l’État sur les armes, le Hezbollah se trouve à un tournant décisif. Selon un ancien responsable, trois options s’offrent à cette formation: négocier un plan de remise de son arsenal à l’armée libanaise, applicable par étapes, restituer ses armes à ceux qui les lui ont fournies ou les vendre pour pallier l’assèchement de ses sources de financement.

Toutefois, des observateurs estiment que le Hezbollah ne compte pas renoncer à son armement, misant sur un changement de situation en Syrie, et plus particulièrement sur l’effondrement du régime d’Ahmad el-Chareh. Il parie également sur d’éventuels affrontements entre factions syriennes pouvant précipiter la chute de ce régime.

Des paris illusoires, selon l’opposition, qui rappelle que la politique d’Ahmad el-Chareh s’inscrit dans le cadre du projet dit du Nouveau Moyen-Orient. Elle souligne dans le même temps une concordance de vues entre Beyrouth et Damas sur des questions d’intérêt commun. La nouvelle direction syrienne veut elle aussi contrôler ses frontières avec le Liban, fermer les points de passage illégaux et résoudre les différends frontaliers. Il est même question d’une potentielle visite du ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad el-Chibani, à Beyrouth, pour des discussions sur plusieurs dossiers en suspens, dont celui des déplacés, une fois la confiance du Parlement accordée au gouvernement.

Dans ce contexte, on apprend de source proche du dossier que le président Aoun envisage de mettre en place un comité de dialogue non pas pour discuter de la stratégie de défense, mais pour servir d’organe consultatif aux côtés de la présidence de la République sur les grandes questions nationales.

Concernant cette stratégie, le chef de l’État s’accroche d’ailleurs à ce qu’il a avancé dans son discours d’investiture.

 

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