
La crise démographique qui frappe l’Ukraine de plein fouet depuis des décennies s’est aggravée ces trois dernières années. Après l’implosion de l’URSS en 1991 et l’indépendance du pays un an plus tard, l’Ukraine comptait environ 52 millions d’habitants. Aujourd’hui, la population ukrainienne est estimée à près de 35 millions d’habitants, selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Ce déclin s’est accentué depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et l'invasion russe de 2022. Ces événements ont entraîné la perte de près de 10 millions de citoyens en l’espace d’une décennie, dont huit millions uniquement durant trois années de guerre. En trois décennies, l’Ukraine aura ainsi perdu un quart de sa population.
Outre les conflits armés, ce déclin démographique s'explique par la chute drastique du taux de natalité, le vieillissement de la population, l'émigration massive, le chômage, l'inflation galopante, ainsi que par un clientélisme et une corruption profondément endémique.
Émigration et natalité
À la suite de l'effondrement de l'Union soviétique, l'Ukraine a connu une période marquée par des transitions économiques difficiles. Le pays est brusquement passé d’un communisme appauvrissant à un libéralisme anarchique, caractérisé par des privatisations, une montée du chômage et une inflation galopante. De plus, le terrain était propice au clientélisme et à la corruption généralisée qui continuent de gangrener le pays. Les Ukrainiens étaient donc contraints d’émigrer, notamment vers l’Europe et les États-Unis, en quête de meilleures opportunités, ou alors, pour les plus démunis, d’y rester malgré les conditions précaires.
Au lendemain du lancement de “l’opération militaire spéciale” en Ukraine, le 24 février 2022, le président ukrainien, Volodomyr Zelensky, appelle à la mobilisation générale et décrète la loi martiale. S’ils n’ont pas été déplacés pour des raisons directes, liées à la guerre, les Ukrainiens ont fui le pays pour échapper à l’enrôlement militaire forcé ou encore en raison des conséquences économiques désastreuses de cette guerre.
Depuis l’enlisement du conflit, les forces russes ciblent régulièrement des installations énergétiques, plongeant une partie de la population dans le froid et l’obscurité quasi totale et poussant certains Ukraniens à se déplacer à l’intérieur du pays. Par ailleurs, les autorités ukrainiennes, comme les russes, ne divulguent pas le nombre exact de personnes tuées et d’unités résidentielles détruites par la guerre, ce qui rend difficile un tel recensement à l’heure actuelle.
Le 16 janvier 2025, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) recensait 6,8 millions de réfugiés ukrainiens à travers le monde, dont 6,3 enregistrés en Europe.
Par ailleurs, l’Ukraine affiche l’un des taux les plus bas de fécondité au monde, en plus du vieillissement de sa population. Selon les derniers rapports de l’ONU, le taux de natalité se situe actuellement autour d'un enfant par femme, bien en deçà du seuil de renouvellement de la population, fixé à 2,1 enfants par femme. Il s’agit d’un des chiffres les plus bas au monde. Ce déclin s’explique notamment par un accès limité aux soins de santé, l’influence des normes sociales et un environnement de travail souvent instable.
Répercussions à court et long terme
Cette crise démographique aurait des répercussions significatives aux niveaux économique, social et militaire, tant à court qu'à long terme. La baisse de la population active en raison de l’émigration massive des jeunes talents aboutirait à une pénurie de main-d’œuvre dans des secteurs clés du pays, freinant sa croissance économique. Une telle pénurie entraînerait une hausse des salaires et des coûts de production, tout en réduisant la demande intérieure.
En 2020, plus de 25% de la population ukrainienne avait 60 ans ou plus, un chiffre qui ne cesse de croître. Le vieillissement de la population épuisera davantage les finances publiques, rendant plus difficile le financement des retraites et des services sociaux destinés aux personnes âgées.
Sur le plan militaire, la diminution de la population active affecte les capacités de défense du pays aux prises avec une guerre sans précédent. Kiev devra réorganiser son armée en termes de potentiel humain. Plusieurs options se présentent: le recrutement de combattants étrangers sous contrat, le remplacement des morts et des blessés par de nouvelles recrues locales, etc.
À mesure que les combats se poursuivent, cette tendance régressive ne semble pas se renverser dans les prochaines années. Le ministre ukrainien de la Politique sociale, Oksana Jolnovytch, prévoit même une diminution de 10 millions d’habitants supplémentaires d'ici à 2050, ce qui représenterait une perte de 50% de la population en soixante ans.
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