Allemagne: les conservateurs remportent les élections, record pour l'extrême droite
La codirectrice du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) et candidate principale de son parti à la chancellerie Alice Weidel et le codirecteur du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) Tino Chrupalla (G) s'étreignent lors de la soirée électorale à Berlin, le 23 février 2025, après les premiers sondages de sortie des urnes des élections générales allemandes. ©Soeren Stache / POOL / AFP

Friedrich Merz veut former "le plus rapidement possible" un gouvernement après la victoire, dimanche, de son camp conservateur aux législatives allemandes, pour relancer un pays ébranlé par les crises, où l'extrême droite a enregistré une progression spectaculaire.

"Le monde extérieur ne nous attend pas (...) Nous devons vite redevenir opérationnels pour faire ce qu'il faut sur le plan intérieur, pour redevenir présents en Europe", a réagi le conservateur de 69 ans après sa victoire qui va le propulser chancelier mais lui impose de trouver des alliés pour gouverner.

Ce coup de barre à droite intervient à un moment charnière pour l'Allemagne et ses alliés européens, abasourdis par les annonces fracassantes de l'administration de Donald Trump sur la guerre en Ukraine, les craintes de rupture du lien transatlantique et les menaces de hausse des droits de douane.

Donnés gagnants depuis plusieurs mois, les conservateurs de la CDU et leur allié bavarois CSU sont crédités d'un score autour de 29%, selon les premières estimations.

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) pointe en deuxième position en obtenant près de 20%, soit le double d'il y a quatre ans et un score historique pour cette formation d'extrême droite née en 2013.

"Notre main sera toujours tendue pour participer à un gouvernement et pour remplir la volonté du peuple", déclaré sa cheffe de file, Alice Weidel.

Le camp conservateur exclut toutefois toute une alliance avec l'AfD malgré un "flirt" parlementaire sur les questions d'immigration et de sécurité durant la campagne électorale.

Le chancelier sortant Olaf Scholz a lui dit assumer la responsabilité d'une "défaite amère". Son parti social-démocrate (SPD) récolte environ 16%.

C'est une débâcle sans précédent pour le plus vieux parti d'Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Autre perdant de ce scrutin, les Verts, alliés au gouvernement Scholz, avec 13%.

"Très peur"

La campagne électorale, après l'implosion en novembre de la coalition au pouvoir, s'est déroulée dans un climat intérieur pesant après plusieurs attaques meurtrières impliquant des étrangers ces dernières semaines, qui ont ébranlé l'opinion et favorisé les mouvements de droite et d'extrême droite.

Au quartier général du SPD, Hilke Reichersdorfer, retraitée de 71 ans écharpe rouge autour du cou, s'inquiète du score de l'AfD.

"J'ai très peur de ce revirement à droite", dit l'ancienne éducatrice, peur que cela évolue "comme dans d'autres pays européens ou en Amérique", dit-elle à l'AFP.

Brève et intense, la campagne a aussi été mouvementée, marquée par le retournement d'alliance des États-Unis vis-à-vis des partis centristes en Allemagne, alliée historique de Washington.

L'AfD a bénéficié du soutien appuyé pendant des semaines de l'entourage de Donald Trump: son conseiller Elon Musk, homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir Alice Weidel sur sa plateforme X.

À Pankow, dans le nord de Berlin, environ 200 sympathisants de l'AfD, réunis pour un barbecue, ont crié de joie à l'annonce du score de leur parti, a constaté une journaliste de l'AFP.

"Cela montre que les citoyens veulent un changement de politique", déclaré Arne Maier, un fonctionnaire berlinois de 33 ans. "L'AfD a des valeurs différentes, des valeurs de liberté que je trouve très attrayantes", ajoute-t-il.

Incertitudes

Les législatives anticipées se tiennent la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, vécue comme un choc en Allemagne.

Le conflit a mis fin à son approvisionnement en gaz russe bon marché, et favorisé ainsi sa glissade dans la récession, et le pays a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens.

La perspective d'une paix réglée "dans le dos" de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Dans ce contexte, la formation rapide d'un exécutif en Allemagne est ardemment souhaitée par ses partenaires européens.

Friedrich Merz a déjà laissé entendre qu'il souhaiterait se tourner de préférence vers le SPD.

Cette alliance baptisée "grande coalition" ou "Groko" entre les deux formations qui ont dominé le paysage politique de l'après-guerre, est aussi la coalition privilégiée par les Allemands, en mal de stabilité après les disputes incessantes du gouvernement tripartite d'Olaf Scholz avec les Verts et les libéraux du FDP.

M. Merz a dit à cet égard vouloir éviter un attelage à trois.

Mais malgré sa victoire électorale, la formation de son gouvernement "dépend toujours des petits partis (...) Ce sont des conditions de départ difficiles pour un nouveau gouvernement allemand, qui est confronté à des tâches herculéennes en matière de politique intérieure et extérieure", souligne Cornelia Woll, présidente de la Hertie School de Berlin.

Le FDP flirte avec la barre des 5% nécessaire pour accéder au Bundestag, tout comme BSW, nouvelle formation de gauche conservatrice, qui prône l'arrêt des livraisons d'armes à l'Ukraine. La gauche radicale Die Linke confirme sa remontée des dernières semaines (9%).

 

Isabelle LE PAGE / AFP

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