
“J'entends sous le feuillage L'eau qui tombe à grand bruit Voici venir l'orage Voici l'éclair qui luit Courons, courons bergère Vois-tu briller là-bas Le toit de ma chaumière Qui nous abritera?”
“Attention! Prends tes précautions, m’alerte Eve, inquiète. “Avec la tempête Adam qui devrait continuer de s’abattre sur le pays, il neigera à partir de 300 mètres. Pas de vents forts annoncés, mais de fortes pluies et du gel. Plusieurs routes de montagne ont déjà été fermées à la circulation. Grâce à Dieu, on n’a pas signalé de blessés ni de dégâts pour l’instant».
Surpris par tant de gesticulation mentale, je rétorque: “C’est normal, maman, ç’est l’hiver!”.
“Tu n’es plus à Paris, tout s’arrête ici quand une tempête pointe le bout de son nez. Tu te souviens du fils des voisins? Un arbre s’était abattu sur sa voiture, il avait ton âge”, ajoute-t-elle, rouge de colère.
Retour brutal à la réalité. Après tout, je suis le fils d’une Orientale qui exagère toujours tout.
Beyrouth, tempête, routes et déroutes
Sur l’autoroute, quelle déroute. Je suis surpris par un embouteillage monstre. Il pleut des trombes d’eau et toutes les bouches d’égout explosent sous mes pneus. Une jungle où klaxons, mauvaise maintenance et feux de signalisation capricieux vont de concert.
Bien qu’il y ait des adeptes de nuit froides parmi mes amis skieurs ou les écrivains mélancoliques en mal d’inspiration, comme moi, sauf lorsqu’il fait maussade, je comprends mieux, maintenant, que les hivers violents aient si peu de fans.
Incroyable, il suffit que la pluie s’invite pour que tout s’arrête sauf mon cœur, qui bat désormais au rythme d’une hypertension en cadeau de retour.
Maman avait sans doute raison. Après tout, les mères ont toujours raison!
Rewind-Play
Pourtant, elle aurait pu être romantique, cette saison, bien qu’elle rime avec un moral en berne où on carbure aux oméga 3 et aux multivitamines.
Je me remémore alors le sourire de Juliette, emmitouflée dans un long manteau en feutre et un bonnet. Main dans la main, on se bécotait sous un porche d’immeuble haussmannien Boulevard Saint-Germain. Une nuit de janvier où la pluie battante n’avait fait que nous rapprocher.
Play. Trêve de rêverie. Je ne suis plus à Paname, mais toujours coincé sur l’autoroute Jbeil-Beyrouth inondée.
Plans B, C, D pour se chauffer
Finalement, j’aurais mieux fait de rester à la maison sous un plaid, matant un navet sur Netflix ou lisant le dernier Goncourt.
Puis je me souviens de ce que ma mère me rabâche. Veuve depuis 2024, avec la guerre et la débâcle politique et financière au Liban, il ne lui reste plus que mes virements pour boucler ses fins de mois.
“Mon chéri, avec la flambée des prix du mazout, du charbon et du bois, oublions le chauffage (A) et la cheminée (B), je me contenterai d’une sobia ou d’une chaufferette au gaz ou électrique quand il y aura du courant (plans alternatifs C & D). Ça te fera des économies, tu verras!”.
Ils sont effectivement rares ceux qui peuvent encore se payer le luxe de se chauffer dans un pays où les prix varient au gré de l’escroquerie ou du fournisseur.
Et dire qu’il pouvait être si beau, l’hiver, avec ces cimes et ces paysages variés... et des trajets de proximité dans un pays d’à peine 10.452 km2!
Comment donc apprécier cette saison qui a pourtant inspiré certains des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature?
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