Suspension des vols dimanche – l'AIB: un aéroport pris en otage
©Ici Beyrouth

L’unique aéroport du Liban suspendra ses vols le dimanche 23 février, de 12h00 à 16h00, en raison des funérailles de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, selon un communiqué de la Direction générale de l’aviation civile de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB).

Le principal port aérien du Liban n’a pas été seulement une simple plateforme aéroportuaire ou une infrastructure dédiée aux atterrissages, aux décollages et au transit des passagers et des marchandises, mais il a également été un élément perturbateur de l’aviation et de l’économie du pays.

Le professeur et chercheur en économie Maroun Khater affirme: “Bien qu’il n’y ait pas de chiffres précis concernant les pertes durant ces quatre heures de fermeture, un rapport de la Middle East Airlines (MEA) indique que, pendant la première semaine de la guerre entre Israël et le Hezbollah, en 2024, la MEA a perdu plus de 8 millions de dollars à la suite d’une fermeture de six jours. Toutefois, l’enjeu ne réside pas seulement dans ces quatre heures, mais dans la véritable perte: celle de la confiance internationale et des expatriés vis-à-vis de l’aéroport.”

Lors de la crise économique au Liban, aggravée par une politique monétaire fondée sur les liquidités, l’aéroport a permis aux Libanais d’introduire des sommes en numéraire dans le pays. Le professeur et chercheur en économie Maroun Khater a indiqué: “En 2024, 5 à 7 milliards de dollars ont été injectés au Liban grâce aux transferts des expatriés.”

Les aéroports sont le reflet d’un pays et, partout dans le monde, les États investissent massivement pour moderniser leurs infrastructures aéroportuaires et garantir la fluidité des déplacements. Pourtant, au Liban, le seul aéroport du pays reste pris en otage par un groupe spécifique. Une zone qui, en théorie, devrait toujours rester opérationnelle se retrouve cependant fréquemment paralysée pour diverses raisons. En 2006, la guerre entre le Liban et Israël a entraîné la fermeture de l’aéroport pendant plus d’un mois, provoquant de lourdes pertes économiques et financières. Cela a conduit de nombreuses ambassades à évacuer leurs ressortissants par la mer. À plusieurs reprises, le groupe pro-iranien a utilisé l’accès à l’aéroport comme levier de pression, en coupant la route ou en causant des perturbations dans la zone aérienne. Enfin, lors du conflit de 2024 impliquant le Hezbollah dans la guerre de soutien à Gaza, le Liban s’est de nouveau retrouvé sous la menace d'un conflit, l’aéroport restant vulnérable en raison du contrôle du Hezbollah sur la zone aéroportuaire.

Mais ces fermetures ont des impacts négatifs importants pour le pays, affirme le professeur Khater: “La fermeture d’un port aérien est l’un des premiers indicateurs de l’instabilité politique et sécuritaire d’un pays, affectant directement la confiance des investisseurs étrangers. Elle nuit au commerce, perturbe le transport des marchandises importées et exportées et fragilise le secteur du tourisme, pilier essentiel de l’économie libanaise. De plus, en tant que pays de transit pour de nombreux États arabes, le Liban voit ces interruptions provoquer des perturbations dans les horaires des compagnies aériennes.”

Deux compagnies aériennes, dont Air France et Emirates, avaient déjà suspendu leurs vols le 23 février. Étant donné que les obsèques se tiendront au stade Camille Chamoun, à Beyrouth, situé à proximité de l’aéroport, cette mesure a été prise par précaution face aux risques d’émeutes ou de tirs en l'air, comme cela se produit fréquemment dans de telles circonstances. Le président de la commission parlementaire des Travaux publics et de l’Énergie, le député Sajih Atiyeh, a déclaré à Ici Beyrouth: “Cette décision a été prise pour assurer la sécurité des voyageurs et des avions, en raison des tirs à l'aveugle, de la part des partisans de Nasrallah, pouvant causer des dégâts aux avions ou mettre en danger les passagers. Nous excluons la possibilité d’une émeute lors des funérailles, comme cela s’est récemment produit près de l’aéroport avec le public chiite. Cependant, les forces de sécurité sont pleinement préparées, et cette interruption des vols ne dépassera pas la durée indiquée.”

À ce jour, les Libanais continuent de payer le prix d’un État impuissant; les conséquences de cette impuissance se traduisent par un aéroport conçu pour servir une seule partie et par l’augmentation des prix des billets d’avion, une situation qu’ils n’ont pas choisie. M. Khater certifie: “Les fermetures fréquentes de l’aéroport et les suspensions quotidiennes des vols entre le Liban et d'autres pays perturbent les horaires des compagnies aériennes. De plus, en raison de l’instabilité de l’aéroport de Beyrouth, les compagnies d’assurance imposent des primes plus élevées pour les avions atterrissant dans la capitale libanaise. Cette augmentation des coûts se répercute sur le prix des billets, ce qui pourrait restreindre la capacité des expatriés à voyager.”

Les fermetures récurrentes des routes menant à l’aéroport et l’ingérence du Hezbollah dans les décisions de guerre et de paix posent un défi majeur à l’autorité de l’État. L’aéroport international de Beyrouth n’est pas la seule infrastructure sous l’influence du mouvement pro-iranien. Cette situation souligne l’urgence, pour l’État libanais, pays à forte vocation touristique, de disposer d’un second aéroport, comme c’est le cas dans de nombreux petits États. Elle met également en lumière la nécessité, pour le gouvernement, de reprendre le contrôle total du territoire afin d’assurer la stabilité politique et sociale, aussi bien pour l’aéroport que pour l’ensemble du pays.

 

 

 

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