La Villa Hoxha: de la répression à la création artistique
Le Premier ministre albanais Edi Rama participe à une table ronde lors de la 61e Conférence de sécurité de Munich (MSC) à Munich, dans le sud de l'Allemagne, le 16 février 2025. ©Tobias Schwarz / AFP

La villa d’Enver Hoxha à Tirana, symbole de la répression communiste, devient un lieu de création artistique, accueillant des artistes du monde entier pour réinventer l’histoire. Ce projet incarne un pied de nez à la censure du passé et ouvre la voie à l’expression libre et à l'innovation.

Au cœur de Tirana, la villa d’Enver Hoxha, l'ancien dictateur communiste, se métamorphose en un lieu de création et de liberté. Ce bâtiment, autrefois symbole de la répression qui a écrasé l'Albanie pendant des décennies, accueillera désormais de jeunes artistes venus du monde entier. Leur mission: transformer cet espace en une résidence d'artistes propice à l'échange, à la réflexion et à l'innovation.

Bruno Julliard, directeur de la fondation française Art Explora, qui a participé à cette initiative, souligne l’ironie historique du projet: “Quel pied de nez à l’histoire que de promouvoir cette liberté de créer dans cet ancien lieu de pouvoir, où se décidaient les censures et les interdictions”. Sous le régime d'Hoxha, mort en 1985, l'Albanie a vécu l’une des dictatures les plus sévères d'Europe. L'art moderne et contemporain y était prohibé, et de nombreux artistes ont été emprisonnés pour leurs œuvres.

Cependant, ce passé répressif n'a pas empêché Hoxha, pourtant fervent adversaire de la liberté intellectuelle, de posséder une collection de livres interdits, témoignant de son hypocrite ouverture personnelle. Parmi les titres conservés dans sa bibliothèque figurent des ouvrages comme Sexe et racisme aux États-Unis ou Le communisme de Budapest à Prague, des livres qui auraient conduit à l'arrestation de tout citoyen albanais sous son régime.

Le projet Villa 31 x Art Explora, qui s’inscrit dans cette démarche de transformation, invite chaque année une vingtaine d'artistes internationaux. Pour sa première édition, 22 créateurs venus de quinze pays ont été sélectionnés. Ils s’engagent à explorer les structures sociales – un thème impensable durant la dictature. L’italienne Genny Petrotta, chercheuse et vidéaste, décrit le lieu comme une source d’inspiration intense pour son travail, marquée par des rêves “absurdes” qui influencent sa création.

La villa, où Hoxha et sa famille ont vécu jusqu’à la chute du régime communiste en 1991, se trouve désormais dans un quartier vivant, en contraste frappant avec l'isolement imposé par le dictateur. Des bars et cafés ont remplacé les gardes armés. À l'intérieur, une partie du mobilier d'époque et des fresques socialistes réalistes ont été préservés, ajoutant à la complexité de l'espace.

Edi Rama, Premier ministre albanais, se réjouit de ce tournant: “Cet espace sera utilisé pour réaliser tout ce qu'Enver Hoxha avait en horreur… de quoi le faire se retourner de honte dans sa tombe.” Il qualifie la villa de “maison de la dégénération moderniste”, en référence à l’idéologie répressive du régime, qui qualifiait l’art moderne de “dégénéré”.

Parmi les artistes présents, Stanislava Pinchuk, une Ukrainienne vivant à Sarajevo, explore les liens entre l’espace et la mémoire des événements politiques. De son côté, l’architecte et artiste albanaise Gerta Xhaferaj souhaite transformer les tunnels souterrains de la villa, vestiges de la paranoïa de Hoxha, en une œuvre d’art, dévoilant ainsi leur symbolisme caché.

Avec AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire