Les diplomates du G20 rassemblés autour de la table renversée par Trump
Le président américain Donald Trump retourne à la Maison Blanche le 19 février 2025 à Washington, DC. ©WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

 

En terre inconnue face aux chamboulements initiés par Donald Trump, les ministres des Affaires étrangères du G20 se réunissent à partir de jeudi à Johannesburg, en l'absence ou presque des Américains qui ont décidé de ne pas y envoyer de haut représentant.

Premier pays du continent à présider le G20, l'Afrique du Sud doit se passer de cet acteur majeur pour cette première répétition du sommet de novembre, organisé de façon inédite en Afrique.

Le chef de la diplomatie des Etats-Unis, Marco Rubio, a refusé de se déplacer après avoir accusé d'anti-américanisme Pretoria, qui doit ouvrir cette réunion à 14h00 locales (12h00 GMT).

Après la conférence de Munich marquée par la diatribe anti-européenne du vice-président américain JD Vance puis la rencontre américano-russe de Ryad pour discuter du sort de l'Ukraine en son absence, cette rencontre de deux jours à Johannesburg sera une nouvelle occasion de jauger les positions des uns et des autres face à la politique du bulldozer de l'administration Trump.

Et la non participation américaine y sera "l'éléphant au milieu de la pièce", observe auprès de l'AFP Priyal Singh, chercheur à l'Institut pour les études de sécurité à Pretoria. L'absence de Marco Rubio représente un "camouflet pour l'Afrique du Sud", estime-t-il.

Le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent n'ira pas davantage à la réunion des ministres des Finances du G20 programmée au Cap mercredi et jeudi prochain, "en raison d'obligations à Washington" a-t-il annoncé sur les réseaux sociaux.

"Cela envoie un message symbolique aux Africains: les Etats-Unis ne prennent pas le continent au sérieux", juge William Gumede, professeur de politique à l'université du Witwatersrand.

A l'exception de Marco Rubio, les principaux diplomates du G20 sont attendus à Johannesburg, dont les ministres des Affaires étrangères des pays des Brics, proches de Pretoria, à commencer par le Russe Sergueï Lavrov, ainsi que ses homologues chinois et indien.

Du côté de l'Europe, acculée par la nouvelle politique étrangère américaine, le Français Jean-Noël Barrot ainsi que le Britannique David Lammy seront présents.

La chargée d'affaires à l'ambassade américaine de Pretoria, Dana Brown, fera office de représentante des Etats-Unis.

"Pas un boycott complet" 

"C'est peut-être à un niveau moindre, mais ils (les Américains) seront représentés. Il ne s'agit pas d'un boycott complet du G20 en Afrique du Sud", a retenu le chef de la diplomatie sud-africaine Ronald Lamola mercredi.

Au milieu du tapage des négociations de Washington avec Moscou sur l'Ukraine, l'Afrique du Sud risque de peiner à faire entendre son programme autour de la croissance inclusive et de l'innovation financière destinés à permettre aux pays accablés par la dette et les conséquences du dérèglement climatique de se développer.

"On s'attend à ce qu'il soit question d'un certain nombre de développements dans le monde, sur le continent africain, au Moyen-Orient, en Europe, de guerres et de certains conflits en cours", a reconnu mercredi le négociateur sud-africain pour le G20 Xolisa Mabhongo.

"Ce contexte aura un impact sur la capacité de l'Afrique du Sud à faire passer l'agenda qu'elle cherche à bâtir sur le renforcement de la solidarité entre les membres du G20", confirme Priyal Singh.

D'autant que Pretoria est occupé à limiter les dégâts de sa propre brouille avec Washington, au moment où, paradoxalement, les Etats-Unis se sont rapprochés de la position de l'Afrique du Sud, "ami cher" et "allié précieux" de Moscou, sur la question de l'Ukraine.

Début février, le président américain Donald Trump a coupé toute aide financière à l'Afrique du Sud en dénonçant notamment le traitement "injuste" et discriminatoire à l'égard des Afrikaners, les descendants des colons européens, après le vote en janvier d'une loi sud-africaine sur l'expropriation de terres.

L'administration Trump a aussi cité la plainte pour génocide déposée par Pretoria à l'encontre d'Israël devant la Cour internationale de justice.

L'Afrique du Sud "ne se laissera pas intimider", avait prévenu son président Cyril Ramaphosa le 6 février devant le Parlement.

"La question est de voir comment l'Afrique du Sud peut retourner la situation", analyse William Gumede, "et changer l'absence américaine en opportunité."

Par Clément VARANGES et Julie BOURDIN, AFP

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