Tensions aux frontières sud et est: l’empreinte iranienne s’étiole
©Ici Beyrouth

Des affrontements militaires à la frontière sud avec Israël et des heurts entre des combattants syriens de Hay’at Tahrir el-Cham et des clans libanais proches du Hezbollah, présentés comme des disputes tribales, à la frontière nord-est révèlent un lien évident, avec une même influence: l’Iran et ses proxys.

Le revers majeur subi par l'axe pro-iranien au Liban et en Syrie a montré que Téhéran n’est pas en mesure de protéger ses alliés, ce qui a entraîné une vague de colère et d’accusations de trahison contre la République islamique à qui il est reproché d’avoir abandonné ses alliés.

Les événements le long de la frontière libano-syrienne où Hay’at Tahrir el-Cham veut mettre fin aux opérations de contrebande qui prospéraient sous le régime de Bachar el-Assad, notamment dans 12 villages libanais chiites situés dans ses enclaves en territoire syrien, ont remis sur le tapis la question du tracé des frontières. D’autant que la contrebande s’est développée tout le long de la frontière avec la Syrie, jusqu’à Chebaa, plus au sud.

Damas a toujours refusé de délimiter sa frontière avec le Liban pour de multiples considérations. Le problème remonte à 1920, lorsque les autorités du mandat français ont tracé la frontière administrative entre le Liban et la Syrie sur 375 kilomètres.

Toutefois, cette frontière n’a jamais été finalisée en tant que frontière internationale, ni officiellement délimitée ou enregistrée. Un manque d’officialisation attribué à l’intransigeance syrienne sur le sujet. Un spécialiste de la question explique que Damas n’avait jamais pleinement reconnu la souveraineté et l’indépendance du Liban, qu’elle considèrait plutôt comme un territoire arraché à la Syrie.

Un ancien responsable rappelle qu’en 2008, sous la présidence de Michel Sleiman, un accord a été conclu pour délimiter la frontière en réactivant une commission mixte, formée à cette fin, entre les deux pays. Plusieurs réunions ont eu lieu, mais aucun progrès tangible n’a été réalisé, les autorités syriennes invoquant le différend sur l’appartenance des hameaux de Chebaa, occupés par Israël, et insistant sur le report de la délimitation jusqu’après leur libération. Elles arguaient du fait qu’un règlement anticipé de cette question pourrait, de manière involontaire, profiter à Israël. En conséquence, les travaux de la commission ont été suspendus.

Après la chute du régime Assad, le nouveau dirigeant syrien, Ahmad el-Chareh, hostile au Hezbollah, a souligné à plusieurs reprises la nécessité de respecter la souveraineté du Liban. Autrement dit, ses frontières.

Le nouveau gouvernement de Damas a planché sur le dossier des relations libano-syriennes, mais dans un souci d’établir des liens bilatéraux équilibrés et réciproques. Aussi, est-il question d’une abolition du Conseil supérieur libano-syrien et du Traité de fraternité, de coopération et de coordination établis lorsque Damas contrôlait le Liban et qui, au final, n’ont profité qu’à la Syrie. Les deux pays ayant déjà des liens diplomatiques, le conseil n’a aucune raison d’être.

Tous les messages de la nouvelle administration syrienne à Beyrouth mettent en avant le respect mutuel de l’indépendance et de la souveraineté des deux pays, avec tout ce que cela implique. Une position soulignée de nouveau récemment par le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad Chibani, qui a déclaré: “Nous respectons le Liban en tant qu’État voisin, et nous serons à ses côtés chaque fois qu’il le souhaitera”.

Parallèlement, la communication entre Ahmad el-Chareh et les responsables libanais est maintenue. Il y a eu la visite du Premier ministre sortant, Najib Mikati, en Syrie, puis les entretiens téléphoniques du responsable syrien avec le président Joseph Aoun et le Premier ministre désigné, Nawaf Salam.

Lors de ces échanges, M. Chareh a fait part de sa détermination à fermer les passages illégaux entre le Liban et la Syrie et à contrôler les postes frontières réguliers pour prévenir la contrebande, notamment le trafic d’armes et de fonds en provenance d'Iran. Cette initiative devrait accélérer la relance de la commission mixte pour reprendre les négociations sur la délimitation des frontières avec l’armée syrienne, en coordination avec l’armée libanaise. Celle-ci devrait mettre en œuvre des mesures pour sécuriser et contrôler la frontière.

Ce qui se passe actuellement aux frontières sud et nord-est fait partie d’un plan plus large s’inscrivant dans le cadre du changement qui s’opère au Moyen-Orient et qui marque la fin de l'influence de l’Iran, notamment au Liban et en Syrie.

À cet égard, il serait intéressant de relever que des médias ont fait état d’informations sur une tentative d’assassinat d’Ahmad el-Chareh. Celle-ci aurait été planifiée par des généraux des Gardiens de la Révolution iraniens et des officiers du régime Assad en collaboration avec le PKK, l’EI, les Forces de mobilisation populaire et le Hezbollah, dans le but de rétablir le contrôle de Téhéran sur la Syrie. Toutefois, ces informations n’ont pas été confirmées.

Selon un diplomate arabe, les positions de Chareh, notamment lors de sa visite en Arabie saoudite, sont un signal clair de son positionnement régional et de son refus de s’allier avec Al-Qaïda ou des groupes similaires. Il s’est distancé de leur idéologie et en a donné la preuve en nommant un évêque au poste de gouverneur d’Alep. De plus, sa position sur le monopole de l’État sur les armes, y compris palestiniennes, renforce ce positionnement et montre que la Syrie ne servira pas de base ou de corridor pour des opérations contre Israël.

La question maintenant est de savoir si Ahmad el-Chareh compte se rendre au Liban pour discuter du contrôle des frontières et du rétablissement de relations amicales entre les deux pays. Un sommet libano-syrien sera-t-il organisé à cet effet?

 

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