Bruno Tabbal transforme la signature de son roman Le Pays dont on ne guérit jamais en une expérience immersive exceptionnelle. Rendez-vous au théâtre Le Monnot, mercredi 5 février à partir de 17h, pour un moment hors du commun. Bruno Tabbal confie en quelques mots à Ici Beyrouth son expérience d’auteur.
Bruno Tabbal plonge les lecteurs dans une expérience unique autour de son roman Le Pays dont on ne guérit jamais. Au théâtre Le Monnot, le mercredi 5 février dès 17h, l’auteur combine littérature et immersion pour une signature inédite.
Partageant ses idées avec Ici Beyrouth, Bruno Tabbal évoque son parcours scénique et littéraire: "Écrire et se produire sur scène sont deux mondes qui se rejoignent, sont complémentaires et constituent deux facettes différentes de ma pensée artistique. Les idées s’organisent à l’écrit. La scène en revanche s’ouvre plus aux émotions et aux rencontres directes avec le public, pour traduire souvent les écrits." Pour lui, "écrire est un besoin pour coucher les émotions et la pensée sur papier et les enjoliver sur papier". Quant à son amour pour Chatine, il considère que "Chatine est un tout petit village perdu dans les hauteurs du caza de Batroun tout près de Tannourine. On retrouve, aujourd’hui, tout au plus 35 habitations dans le village même. Il en comptait 200. Ce qui reflète l’exode rural et l’émigration. Il demeure cependant pittoresque. C’est là où j’ai vécu mon enfance. Chatine pour moi est le centre de l’univers".
Bruno Tabbal a le souffle. Le souffle des montagnes. Le souffle des notes blanches ou de la plume. Dans son écriture, on sent le thym et le sacré. On écoute les musiques de films. Tout défile devant nos yeux: la plume de Pagnol, la gloire de son père, les châteaux de sa mère… à Chatine.
L’amoureux de l’histoire, de la scène, de la poésie et de la nature s’exprime – comme toujours – à cœur ouvert, et pourtant, dans une trame rigoureuse et des recueils de propos pointilleux. "J’avais sept ans et c’était décidé: plus tard, je deviendrai acteur et metteur en scène de théâtre", lit-on dans son roman. Bruno Tabbal a l’âme d’un artiste et celle d’un écrivain. Il vibre aux sons du silence et des êtres chéris. "Elle", écrit-il. Et l’on sait, avant même d’arriver au bout de sa phrase, avant même qu’il reprenne son souffle, qu’il n’a pas besoin de la nommer. La compagne des chemins sinueux qui "est là et c’est tout", celle qui le connaît mieux que personne, le lecteur la connaît bien aussi. C’est un "Elle" racinien qu’il utilise avant même d’en arriver au prénom, dans une sublimation royale. Est reine toute celle qui est témoin. Et son témoin à lui, c’est "Elle".
Le Pays dont on ne guérit jamais effeuille la nostalgie que seuls connaissent ceux dont un amour profond pour le Liban consume et bénit. "Le Mont-Liban est époustouflant", écrit-il. Grâce à un traveling arrière dans un passé limpide et vivant, Bruno Tabbal immortalise l’intensité émotionnelle des retrouvailles familiales et la sérénité majestueuse des villages traditionnels et des montagnes libanaises, habités par "l’insolence de la jeunesse".
Avec le même regard du Bruno enfant, droit, il dévisage ses proches et son village d’adoption, Chatine, son oasis, loin des ténèbres chaotiques du monde, de la méchanceté gratuite et de la bêtise humaine. "Avec le temps, nous apprîmes à nous méfier des quartiers agglutinés en ville et de la méchanceté des hommes bien plus que des contrées désertes et des animaux sauvages", écrit encore Bruno Tabbal. Dans un rapport sacré à sa terre, il magnifie ses liens parentaux, familiaux, dans un cri du cœur, avec la sagesse des années; "ces parfums furent mon addiction à vie".
Cette histoire individuelle ancre ses racines dans un cadre national et universel. Ainsi se succèdent les événements au cœur du pays du Cèdre, entre échappatoire à la guerre et souvenirs d’enfance. Le canevas de l’auteur se trame sur une restitution historique pointilleuse du XIXe siècle et de la Moutassarifiya du Mont-Liban.
L'écriture de Bruno Tabbal joint la rigueur d'un documentariste – lui qui en souriant relate les dates et les événements – à la finesse d'un style littéraire soutenu mais dépourvu d'affectation. Le Pays dont on ne guérit jamais se différencie par son approche systématique mais particulière, offrant des séquences visuelles pointues, où le lecteur jongle entre détails de la vie quotidienne et faits historiques. La fluidité de l’écrit capte la réflexion dans une harmonie immuable au fil d’une narration fluide, sans pour autant faire preuve d’excès ou d'artifice.
Bruno Tabbal rend hommage dans ce roman, avec une finesse touchante, aux figures essentielles de l’existence: le père et la mère, la famille et les proches. Le tout ressurgit parmi les arbres de Chatine, tel un album photo ou un film en couleurs, au rythme de la pulsion de vie des villageois, encyclopédies ambulantes de la vie, sages gardiens de la mémoire collective, et au son des rires des amis d’enfance, "Et on riait, et on riait! Et la nuit étreignait nos cris". Les mots de ce livre nous guérissent à jamais, feuille après feuille, tissant un lien immuable entre passé et présent, au nom d’une cape bleue de Batman, de l’identité, de Chatine, du Liban, de l’humain… comme un "éternel recommencement".
"Tout change, et pourtant rien non plus."
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