Intitulée Une nouvelle aube, la 31ᵉ édition du Festival al-Bustan se déroulera du 26 février au 23 mars, mettant en avant une programmation musicale riche, symbole d’espoir pour un nouveau Liban en gestation. Ce rendez-vous annuel phare illustre la volonté de sa vice-présidente, Laura Lahoud, de redonner au pays sa place sur la scène culturelle internationale.
Un sourire contagieux, empreint de fierté, étire les lèvres de Laura Lahoud. Son enthousiasme est palpable et elle n’a aucun mal à l’afficher. Vice-présidente du Festival al-Bustan, elle reçoit chaleureusement tous ceux qui viennent lui adresser leurs félicitations, parfois même leur gratitude, après la conférence de presse du 24 janvier lors de laquelle la saison musicale de cette année a été dévoilée. Une saison qui, il faut bien l’avouer, n’a pas été de tout repos. Loin de là. Elle a, bien au contraire, été un véritable parcours du combattant, un défi de chaque instant face aux multiples obstacles que le Liban a dû surmonter après une guerre dévastatrice à plus d’un niveau. “Une nouvelle aube”, tel est le thème de cette édition 2025, et il ne saurait être plus évocateur. Après la saison précédente, intitulée “Envers et contre tout”, qui, déjà, illustrait pleinement la force de la culture face aux vents contraires, cette nouvelle programmation se place désormais sous le signe de l’espoir.
Espoir nouveau
La guerre, dans sa brutalité, a laissé des cicatrices profondes, mais elle n’a pas eu raison de la volonté de maintenir vivant ce qui fait l'âme d'un peuple: l’art, la musique, et cette capacité de se relever encore et encore. En choisissant de maintenir le festival, Al-Bustan prend un pari audacieux. Pour Laura Lahoud, cet événement, qui s'étendra du 26 février au 23 mars, est un symbole de la volonté inébranlable de renaître, de redonner au pays sa lumière et sa place sur la scène culturelle internationale. “Je ne cesse de penser et de repenser aux péripéties de ce mois de novembre, lorsque les bombes s'abattaient, que les compagnies aériennes suspendaient leurs vols et que les ambassades avertissaient leurs ressortissants du danger imminent, leur conseillant parfois de quitter le Liban”, raconte-t-elle pour Ici Beyrouth. “À ce moment-là, l'idée même d’organiser un festival semblait absurde. L'impossible se dressait partout autour de nous.”
Puis vint le cessez-le-feu, suivi de l'élection d’un président de la République après plus de deux ans de vacance du pouvoir. “De nombreux changements ont eu lieu, tant au Liban qu’en Syrie et au-delà, tandis que des nouvelles encourageantes parvenaient de l’étranger. Un espoir nouveau a vu le jour, bien que les difficultés demeurent. Mais regardez les plus jeunes: ils croient aujourd’hui, de plus en plus, en l'avenir de ce pays. Parfois, il suffit de peu pour que la lumière rejaillisse”, affirme Mme Lahoud, clairement émue. Alors, que nous réserve cette nouvelle saison?
Aurore musicale
Le pianiste russe Boris Berezovsky est de retour cette année pour les deux soirées inaugurales des 26 et 27 février. Le premier concert est presque entièrement dédié à des œuvres du compositeur hongrois Franz Liszt (1811-1886), mais il met également en lumière la célèbre Sonate pour piano n°21 en do majeur, op.53, dite Waldstein ou parfois Aurore, de Ludwig van Beethoven (1770-1827). “En évoquant le thème du festival, Boris a aussitôt exprimé son souhait d’interpréter cette sonate”, précise la vice-présidente, soulignant que cette aurore musicale s’inscrit parfaitement dans la “nouvelle aube” de cette saison. Quant au second concert, il alliera le jazz à la musique classique, en faisant une place de choix à l’impressionnisme debussyste.
De la douleur à la beauté
Un autre temps fort de cette saison est indéniablement le récital d’Abdel Rahman el-Bacha, le 13 mars. Un véritable marathon musical, faut-il le préciser. Lauréat du concours international Reine Élisabeth de Belgique, le pianiste libano-français proposera une lecture particulièrement introspective de plusieurs œuvres majeures du répertoire (dit) classique, allant de la Sonate n°14 en do mineur K.457, de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), aux accents beethovéniens, aux 24 Préludes op.28 de Frédéric Chopin (1810-1849), en passant par la Sonate n°7 en ré majeur, op.10 n°3 de Beethoven, avec son deuxième mouvement particulièrement tragique. “Je voulais, en effet, témoigner par le choix de ces chefs-d’œuvre ma profonde solidarité avec mes concitoyens pour les épreuves qui se sont abattues sur eux ces derniers temps, engendrant de nombreuses souffrances et inquiétudes de toutes sortes”, explique le virtuose dans un entretien accordé à Ici Beyrouth.
Et M. El-Bacha de poursuivre: “La grande musique est née chez des artistes qui durent souvent traverser au cours de leur vie des épreuves immenses, et qui avaient le génie de pouvoir les exprimer dans leur langage privilégié, non pas pour se mettre en scène, mais pour transfigurer la douleur en beauté et trouver le bonheur dans leur esprit. L’art sauveur de l’humanité. Et le concert est un moment d’élévation.” Le pianiste accompagnera également, le 14 mars, le chœur de l’Université Notre-Dame de Louaizé, sous la direction du père Khalil Rahmé, et le baryton espagnol Gabriel Alonso dans le Via Crucis (Chemin de croix) de Liszt. Il s’agit d’une œuvre très expressive, avec une forte charge spirituelle et émotionnelle qui illustre, en musique, les quatorze stations de la Passion du Christ, de son arrestation à sa crucifixion.
Dialogue des cultures
La vice-présidente se réjouit tout particulièrement de l'organisation de deux soirées de musique (dite) libanaise, qu'elle considère essentielles, et même “indispensables”, après toutes les épreuves que le Liban a traversées au cours des derniers mois. Ces concerts se dérouleront les 2 et 3 mars et mettront en scène la chanteuse Soumaya Baalbaki, le chœur de l’Université Notre-Dame de Louaizé, un ensemble musical dirigé par Lubnan Baalbaki, ainsi que le comédien Georges Khabbaz. Par ailleurs, l'accordéoniste français Félicien Brut revient cette année pour deux concerts: le premier, le 16 mars, en duo avec la violoncelliste française Astrig Siranossian, et le second, le 23 mars, qui marquera le concert de clôture avec l'orchestre à cordes de la Garde républicaine française, sous la direction de Bastien Stil. Bien que le programme soit encore en cours d'élaboration, Mme Lahoud nous révèle qu'un arrangement de la Rhapsodie n°2 de Liszt ainsi que des pièces d’Astor Piazzolla (1921-1992) y seront probablement interprétés.
Interprètes d’exception
Le concert à ne surtout pas manquer sera celui du 7 mars, où la Tragédie de Carmen illuminera la scène de l'amphithéâtre Émile Boustani, et ce, à l’occasion de la 150ᵉ commémoration du décès de Georges Bizet (1838-1875). Cette adaptation (réalisée par le metteur en scène Peter Brook et le compositeur Marius Constant en 1981) du célèbre opéra du compositeur français mettra en lumière des interprètes d'exception: Anita Rachvelishvili (mezzo-soprano), dont le nom a souvent été associé au rôle de Carmen sur les scènes internationales, Eduardo Niave (ténor) dans le rôle de Don José, Maria Zapata (soprano) dans celui de Micaela, et Gabriel Alonso (baryton) dans d'Escamillo. L'ensemble, composé de quinze musiciens libanais et étrangers, sera dirigé par Gianluca Marciano, directeur artistique du festival. “Cette adaptation omet les passages pour chœur et choisit de se focaliser sur les émotions fondamentales qui traversent l'opéra Carmen: l'amour, la liberté, la jalousie. Elle met en lumière les quatre personnages principaux, tissant une version intimiste qui s'appuie sur ces sentiments essentiels pour en révéler la profondeur”, confie-t-il pour Ici Beyrouth.
De nombreux autres concerts et conférences viendront enrichir cette nouvelle édition du Festival al-Bustan, bien qu'ils demeurent encore à peaufiner en raison des circonstances que l'on connaît, notamment celui du harpiste Alexander Boldachev. Les tickets seront en vente à partir du 1ᵉʳ février.
Cette année, l’art se fait tout particulièrement un vecteur d’une lutte pour l’identité, la dignité et la survie culturelle du Liban. Et, au-delà des difficultés, c'est cette résilience, portée par les artistes et le public, qui donnera à “Une nouvelle aube” toute sa portée et sa force.
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