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La chanteuse d’opéra Judith Kutasi interprète Aida de Giuseppe Verdi au Metropolitan Opera de New York, le 14 janvier 2025. ©Angela Weiss / AFP

Le Metropolitan Opera de New York propose une version réinventée d’Aida, s’attaquant à ses aspects orientalistes et colonialistes.

Aida incarne, depuis sa création en 1870, l’opéra dans sa forme la plus extravagante: décors somptueux, costumes luxueux et même des chevaux sur scène. Ce grand spectacle a toujours visé à transporter son public dans une autre dimension.

Le Metropolitan Opera de New York programme de plus en plus d’œuvres américaines contemporaines et étrangères réadaptées. L’objectif est de séduire un public plus jeune, multiculturel, tout en remettant en question la "réappropriation culturelle" des opéras européens "orientalistes" de la fin du XIXe siècle, comme Aida.

Ainsi, l’œuvre magistrale des Italiens Giuseppe Verdi et Antonio Ghislanzoni, qui dépeint, au temps des pharaons, une histoire d’amour entre une esclave éthiopienne et un militaire égyptien, a charmé l’élite new-yorkaise du Met Opera pendant plus de trois décennies. Remonter une nouvelle production de ce drame en quatre actes, qui raconte une histoire universelle d’amour, de guerre et de loyauté dans l’Égypte ancienne, a représenté un immense défi.

"Aida étant si grandiose et si onéreux, je me suis vraiment senti sous pression", confie Michael Mayer, le metteur en scène, dans un entretien à l’AFP. Sa production a débuté en janvier au Met Opera, un bâtiment récemment rénové, trônant majestueusement dans un quartier huppé de Manhattan. "Je savais qu’il existait un public friand de grand spectacle", ajoute le réalisateur américain de 64 ans, connu pour avoir mis en scène La Traviata de Verdi pour le Met Opera et de nombreuses comédies musicales à Broadway.

M. Mayer est bien conscient que Aida a été critiquée pour son "orientalisme", en raison de la vision "exotique" et réductrice de l’Égypte ancienne qu’elle propose à travers un regard occidental. "Il s’agit de reconnaître, de manière subtile, une forme d’impérialisme et de colonialisme associés à une sorte de fétichisation de l’Égypte ancienne", explique-t-il, en citant d’autres opéras "exotiques" de Puccini, tels que Madama Butterfly, se déroulant au Japon, et Turandot, en Chine.

De nos jours, M. Mayer estime que le public reste sensible à la "beauté" des œuvres opératiques, tout en étant "beaucoup plus conscient de l’orientalisme, du colonialisme et de l’impérialisme, ainsi que de l’idée que ces cultures ont été démantelées et réappropriées". Selon lui, cette réappropriation culturelle est quelque chose que "le public contemporain ne peut tout simplement plus accepter".

Si la nouvelle production n’a pas été bien accueillie par les critiques classiques, le metteur en scène admet que rajeunir un opéra traditionnel reste un exercice délicat. Trouver un juste équilibre entre séduire un public plus jeune et continuer à plaire aux anciennes générations est son principal défi. Cela signifie, explique-t-il, réadapter une œuvre traditionnelle pour l’époque contemporaine sans renier ce qui a ancré Aida dans l’histoire grâce à son intrigue universelle.

"Si quelqu’un assiste à l’opéra pour la première fois, qu’il voit Aida et se dit: "Oh mon Dieu, c’est comme un spectacle de Broadway sous crack, j’ai hâte de le revoir", alors j’ai l’impression que ma mission est accomplie", se réjouit Michael Mayer. "L’avenir de l’opéra en Amérique repose vraiment entre les mains des jeunes", conclut-il.

Avec AFP

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