Sommets, football, tourisme... L'Arabie saoudite fait sa mue internationale
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammad ben Salmane, pendant sa rencontre avec le secrétaire d'État américain à Riyad, le 23 octobre 2024. ©Nathan Howard/POOL/AFP

À Davos, deux imposants immeubles baptisés "Saudi House" et "Saudi at Davos" trônent parmi les meilleurs emplacements de la très chic et chère "Promenade", l'avenue menant au centre des congrès de la ville, illustrant la présence grandissante du royaume dans les grands rendez-vous internationaux.

Pour l'édition 2025 du rendez-vous annuel en Suisse des élites économiques et politiques, 57 Saoudiens ont fait le pèlerinage, dont neuf ministres, soit la délégation officielle la plus étoffée, selon le programme du Forum économique mondial, qui organise la réunion.

L'un des deux immeubles occupés par les Saoudiens, "Saudi at Davos", dans lequel les ministres reçoivent leurs invités et les journalistes, surplombe l'entrée de la salle des congrès, épicentre des événements de la semaine dans cette station de ski huppée des Alpes suisses.

Il est mitoyen de l'immeuble occupé par le géant américain Microsoft.

Délégations volumineuses

Un responsable politique européen habitué des grands rendez-vous internationaux le reconnait: "qu'elles soient formelles ou dans les grands rendez-vous internationaux comme Davos, les délégations sont fortes, elles paraissent même volumineuses à nos standards".

L'inflation de ministres et de chefs d'entreprises saoudiens dans ces déplacements remonte à l'émergence du plan Vision 2030 en 2016, confirme à l'AFP un responsable saoudien. Ce plan est la pierre angulaire du programme de modernisation du puissant prince héritier Mohammed Ben Salmane, nouvel homme fort du royaume.

"Nous sommes un acteur clé de l'économie mondiale. Et nous devons boxer dans notre catégorie", relève le ministre des Finances Mohammed al-Jadaan, interrogé par l'AFP à l'occasion du Forum de Davos sur l'intérêt pour le royaume de développer la présence du pays.

Dans les grands rendez-vous internationaux, à l'instar du G20 que Riyad a présidé en 2020, ou des réunions du Fonds monétaire international (FMI), de plus en plus d'hommes en foulard rouge et blanc, typique de l'habit saoudien, se mêlent aux traditionnels "costumes-cravates" de rigueur.

L'offensive de charme se ressent aussi sur le "soft power": Riyad a acheté le club de Premier League anglaise Newcastle United, organise des événements internationaux de Formule 1, de golf, et de tennis entre autres, à la faveur des poches larges de son fonds souverain (PIF). Il a aussi été sélectionné pour organiser le plus gros événement sportif planétaire, la coupe du monde 2034.

"Il s'agit de visibilité, de leadership", relève auprès de l'AFP Karen Young, spécialiste en politique économique du Golfe au du Middle East Institute (MEI) à Washington pour qui "tous ces efforts sont destinés à deux audiences", la population saoudienne, en particulier la jeunesse dans un pays où près des deux tiers de la population a moins de 30 ans, et "la visibilité sur la scène internationale".

Les intérêts économiques ne sont jamais loin dans le pays, à l'image de son "Davos du désert" organisé chaque année: les Saoudiens "ont une diplomatie qui y est très ancrée comme une valeur dans leurs intérêts économiques", affirme le responsable politique cité plus haut.

"Pour nous, investir dans le sport, le divertissement et la culture pour attirer des investisseurs est en fait un excellent pari", assume le ministre saoudien des Finances.

D'après les chiffres du fonds souverain saoudien, la contribution du secteur sportif au PIB national a représenté 6,9 milliards de dollars en 2024, contre 2,4 milliards en 2016.

Car le point cardinal de cette ouverture du pays réside dans le développement de l'économie non-pétrolière, cheval de bataille du deuxième producteur mondial d'hydrocarbures, au travers notamment de l'émergence du tourisme et en attirant les investisseurs étrangers.

Toutes ces ambitions et l'accueil positif de la communauté internationale mettent au second plan la question des droits de l'homme dans un pays critiqué en 2018 pour l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, et aujourd'hui pour les décès de travailleurs migrants sur ses chantiers de construction.

"On ne peut pas nier que des choses ont changé dans les cinq, dix dernières années", mais "c'est très insuffisant", affirme cependant à l'AFP Luc Triangle, le secrétaire-général de la confédération internationale des syndicats, présent à Davos. "La réalité quotidienne de millions de travailleurs migrants (...) n'est pas du tout acceptable.".

Avec AFP

 

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