Les Syriens déplacés hésitent à rentrer chez eux malgré la chute d’Assad
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Dans son discours d’investiture, le président Joseph Aoun a promis de résoudre rapidement la crise des réfugiés syriens au Liban, en facilitant leur retour après la destitution du président syrien Bachar el-Assad.

Soulignant les répercussions existentielles de la présence prolongée des réfugiés sur le Liban, M. Aoun a déclaré au Parlement: “Nous tentons de résoudre cette crise de manière constructive avec la Syrie et la communauté internationale, sans propos racistes ni approches négatives. Nous élaborerons un mécanisme clair, applicable immédiatement, pour permettre à ces réfugiés de rentrer chez eux.” 

Depuis 2011, environ 1,5 million de Syriens déplacés par la guerre, voire plus de 2 millions selon des estimations non officielles, ont trouvé refuge au Liban.

Les autorités libanaises ont souvent été critiquées par des organisations syriennes et internationales pour leurs supposées tentatives de forcer les réfugiés à rentrer chez eux sous le régime d’Assad. Avec la chute de ce dernier, on pourrait s’attendre à ce que ces déplacés regagnent leur pays, comme l’a souligné le nouveau président.

Certains d’entre eux sont retournés en Syrie ces derniers mois, fuyant la guerre entre Israël et le Hezbollah, ou après la chute d’Assad, mais la majorité reste réticente.

Dans ce contexte, Issam Charafeddine, ministre des Déplacés, a expliqué à Ici Beyrouth: “Pendant la guerre, plus de 420.000 réfugiés syriens sont retournés chez eux. Pourtant, depuis le cessez-le-feu et la chute du régime le 8 décembre dernier, pas plus de 70.000 sont rentrés.”

“Ce nombre important de retours montre que la Syrie a ouvert ses portes et a pu réintégrer les déplacés en moins de dix jours”, a-t-il ajouté. 

M. Charafeddine a également révélé que le gouvernement libanais a demandé au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de fournir une aide matérielle et logistique aux Syriens retournant dans leur pays et de les encourager à rentrer, maintenant que la crainte d’arrestations sous l’ancien régime n’est plus d’actualité.

Cependant, selon M. Charafeddine, le HCR a répondu qu’il ne pouvait prendre aucune décision avant que la sécurité ne soit complètement rétablie, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

Le ministre a, dans ce cadre, insisté sur la nécessité pour le prochain gouvernement de négocier avec les nouvelles autorités syriennes afin d’accélérer le retour des déplacés.

Pour un grand nombre, retourner en Syrie n’est pas simple. Selon les organisations humanitaires, plusieurs facteurs alimentent leur prudence, notamment l’insécurité persistante. D’autres raisons sont liées aux bombardements israéliens, aux affrontements entre factions syriennes soutenues par la Turquie et forces kurdes appuyées par les États-Unis dans le nord-est syrien, ainsi qu’à l’incertitude quant aux intentions des nouveaux dirigeants islamistes de Hay’at Tahrir el-Cham (HTC).

La situation économique en Syrie est également précaire. De nombreuses maisons, entreprises et infrastructures ont été détruites par la guerre. Beaucoup de réfugiés préfèrent attendre des garanties sur l’avenir du pays avant de décider de rentrer.

Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, Lisa Abou Khaled, porte-parole du HCR, a déclaré: “Nous espérons que les récents développements en Syrie apporteront enfin la paix, la sécurité et la stabilité, mettant fin à la plus grande crise de déplacés au monde.” 

“Le HCR s’est engagé à aider les réfugiés au Liban et dans la région qui souhaitent rentrer en Syrie. Le nombre de réfugiés dispersés dans les pays voisins et souhaitant rentrer dans l’année a énormément augmenté; mais leur retour doit être volontaire, digne et sûr, au moment qu’ils jugeront opportun”, a-t-elle précisé. 

Depuis quatorze ans, plus de 13 millions de Syriens ont été déplacés, à l’intérieur comme à l’extérieur de leur pays.

Selon le HCR, au 15 janvier 2025, plus de 195.000 réfugiés syriens étaient rentrés chez eux depuis le 8 décembre 2024.

Lors d’une visite au Liban la semaine dernière, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a rejeté l’idée que l’aide humanitaire fournie aux Syriens au Liban soit une raison qui justifie leur réticence à rentrer.

“Ce n’est pas le soutien modeste, très modeste, que nous fournissons aux réfugiés qui explique leur réticence à retourner en Syrie”, a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse. “À mon avis, cela s’explique plutôt par le fait que la situation en Syrie ne garantit pas encore la sécurité qu’ils souhaitent. Mais tout réfugié souhaitant revenir sera soutenu par nos services.”

Parallèlement, la chute du régime syrien a déclenché une nouvelle vague de déplacements, cette fois de hauts responsables du régime d’Assad cherchant refuge au Liban, souvent avec l’aide du Hezbollah, pour fuir les représailles des rebelles dirigés par HTC.

Ali Mamlouk, un haut responsable et conseiller du régime Assad, recherché par les autorités libanaises pour terrorisme, ferait partie de ces personnes, bien que le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, ait démenti ces propos.

Ces dernières semaines, les autorités libanaises ont arrêté des douzaines de soldats, officiers et partisans de l’ancien régime syrien, les remettant aux nouveaux dirigeants à Damas. Cependant, de nombreuses figures importantes auraient réussi à fuir à l’étranger via l’aéroport international de Beyrouth.

Les défis posés par le déplacement des Syriens au Liban semblent encore loin d’être surmontés.

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