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©Ici Beyrouth

La petite phrase du nouveau Premier ministre le jour de sa nomination pose question. S’il est inconcevable que le sud reste abandonné, c’est le “nous” qui peut susciter des interrogations. 

Qui “nous”? L’État en faillite complète? Certainement pas. Il n’en a pas les moyens. Les dépôts des épargnants? Inconcevable, injuste, infaisable et impopulaire à souhait. Les réserves en or de la Banque centrale? Elles sont le filet de protection du peuple. Des augmentations de taxes? La mesure ne ferait pas un triomphe auprès de ceux, toujours les mêmes, qui payent déjà leurs impôts. Alors qui? L’Iran – à la générosité légendaire quand il s’agit de financer les destructions, mais d’une délicate discrétion dès lors qu’il s’agit de construire – a, comme pour les victoires, multiplié les promesses. Sans les tenir. De ce côté donc, rien à attendre de bon.

Dans ces conditions, comment envisager une reconstruction sans l’aide de la communauté internationale? Nous allons donc repartir en quête de soutien financier. Les pays du Golfe, les pays occidentaux… sont disposés à mettre la main au portefeuille. À deux conditions: la transparence de l’allocation des aides et l’application pleine et entière des résolutions onusiennes. Si sur le premier point, un mécanisme de surveillance internationale peut s’envisager, le second point est plus problématique. Le Hezbollah ne cesse ses atermoiements et interprète la 1701 selon ses intérêts. Sa persistance à vouloir garder son arsenal militaire au nord du Litani, avec le risque de nouvelles guerres à venir n’est certainement pas pour rassurer les potentiels donateurs. D’autant plus qu’il se murmure qu’en cas de retrait israélien incomplet, une “résistance des habitants des villages du sud” pourrait, comme par magie, éclore. Officiellement elle n’aurait rien à voir avec le Hezbollah, mais personne ne serait dupe. Et un nouveau cycle d’instabilité pourrait empêcher toute reconstruction.

Il est à noter que le ton était donné dès les consultations lundi à Baabda. Peu habitués à ne pas être aux commandes de l’ensemble des postes du pays, les députés du Hezbollah, sortant de leur entretien avec le président de la République, ne cachaient pas leur dépit. “Nous allons les laisser gouverner, voir comment ils vont reconstruire le sud et libérer le pays.” Peu de commentateurs ont relevé cette déclaration dans le sens ubuesque qu’elle revêtait. Si on a tout bien compris, eux se sont chargés de multiplier les mauvaises décisions et analyses qui ont provoqué la destruction, mais, c’est aux autres d’essuyer les plâtres. Ils ont déclenché une guerre sans consulter un gouvernement impuissant mais… demandent aujourd’hui des comptes! Normalement, quand une milice précipite, seule, tout un pays en enfer, c’est à elle d’en assumer les conséquences. Au Liban, c’est l’inverse.

Pire, dans toute l’Histoire, quand un pays envahit un autre, une résistance se met en place, légitimement. Au Liban c’est le contraire. Les agissements d’une “résistance” ont provoqué une invasion. Mais c’est à d’autres de s’arranger pour que les Israéliens partent. Sidérant et unique. Malgré tout, l’arrivée au sommet de l’État d’un homme intègre et déterminé est porteuse de grands espoirs. La lucidité des Libanais aussi.

Parce que comme le disait Abraham Lincoln: “Vous pouvez tromper tout le monde pendant un certain temps, vous pouvez tromper quelques-uns tout le temps, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps.” À bon entendeur, salut!

 

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