Plusieurs jours après avoir fui les flammes qui ont dévoré son quartier de Pacific Palisades à Los Angeles, Maya Lieberman a encore la gorge serrée. Mais en plus du désastre, elle doit désormais, pour se reloger, contre des propriétaires sans scrupules.
"Les prix sont exorbitants", confie à l'AFP cette styliste de 50 ans, derrière ses lunettes de soleil. "C'est insensé, je n'arrive pas à trouver un endroit où aller."
Les multiples incendies qui ravagent les abords de Los Angeles depuis mardi ont forcé plus de 150.000 personnes à fuir leur domicile.
Celui de Pacific Palisades, un coin huppé qui abrite des célébrités comme Laeticia Hallyday ou Adam Brody, provoque une fascination morbide, car il touche le gratin de la mégapole américaine. Certains y voient, évidemment, l'opportunité de se faire de l'argent.
"C'est complètement fou", raconte Mme Lieberman. "Nous avons déposé une demande pour une maison à Venice qui était annoncée à 17.000 dollars par mois, et ils nous ont dit que si nous ne payions pas 30.000 dollars, nous ne l'aurions pas."
"Ils m'ont dit qu'ils ont des gens prêts à surenchérir, et à payer cash", souffle-t-elle.
Pratiques illégales
Mais cela ne l'empêche pas de se sentir insultée, et de s'inquiéter pour les milliers d'évacués moins fortunés qu'elle.
"Avec ce qu'il se passe sur le marché maintenant, certaines personnes n'auront nulle part où aller", redoute-t-elle.
"J'ai des amis qui ont pris un hôtel en dehors de Los Angeles, et à qui on a réclamé un tarif plus élevé qu'annoncé lorsqu'ils sont arrivés sur place", soupire Alex Smith, un producteur de télévision également forcé d'évacuer.
Dans une Californie aux premières loges du réchauffement climatique, et au marché immobilier exorbitant, profiter des victimes des feux de forêt est malheureusement un grand classique.
Samedi, le procureur général de l'État, a rappelé que le gonflement artificiel des prix est un "crime passible d'un an de prison et de 10.000 dollars d'amende".
Le magistrat a mis en garde les plateformes de location, et tous ceux qui utilisent des algorithmes fixant automatiquement les tarifs en fonction de la demande, les enjoignant à se conformer à la législation sous peine de poursuites.
Une fois l'état d'urgence déclaré, la loi plafonne l'augmentation des prix à 10% maximum pour une durée de quelques mois.
Mais en raison de l'ampleur des dégâts, le gouverneur de l'État a signé dimanche un décret prolongeant la mesure jusqu'à janvier 2026.
Se "débrouiller seul"
Outre les ultra-riches, "il y a aussi beaucoup de locataires" à Pacific Palisades, reprend Mme Lieberman. "Le quartier ne correspond pas forcément aux clichés qu'ont les gens."
Un simple détour dans un centre d'hébergement d'urgence à quelques kilomètres de là suffit pour le constater. Sur le parking, Brian dort dans sa vieille berline grise depuis mardi, avec une couverture donnée par la Croix Rouge.
Ce retraité vivait à Pacific Palisades depuis 20 ans, dans un studio où le loyer est plafonné. Mais son immeuble a été rasé par les flammes.
"C'était marrant de dormir dans ma voiture quand j'étais plus jeune, mais à mon âge, c'est plus difficile", souffle cet ex-employé municipal de 69 ans, sans donner son nom complet.
Maintenant que la sidération s'estompe, il aborde la recherche d'un nouvel appartement avec appréhension. Car les loyers à Los Angeles ont quasiment doublé depuis dix ans.
"Je suis de nouveau sur le marché avec des dizaines de milliers de personnes. Cela n'augure rien de bon", soupire-t-il.
Des quartiers vallonnés situés derrière les collines d'Hollywood, encore plus exposés aux risques d'incendies que le coin où il vivait près de l'océan. Jeudi soir, un départ de feu a semé la panique à Studio City, avant d'être rapidement maîtrisé.
"Que puis-je faire d'autre ?", lâche Brian. "Maintenant, je dois me débrouiller seul."
Romain Fonsegrives
Commentaires