Restructuration bancaire en Conseil des ministres: les enjeux d'un projet largement controversé
La restructuration des banques selon Mikati: un danger pour l'économie du pays. ©NNA

Le Liban se trouve à un tournant crucial de la crise économique, avec un Conseil des ministres prévu mardi après-midi, sous la présidence du Premier ministre sortant, Najib Mikati, qui entend aborder plusieurs points, dont notamment un projet de loi particulièrement sensible, celui de la restructuration des banques. Discrètement introduit à l’ordre du jour vendredi dernier, ce texte, très controversé, suscite un tollé dans les milieux politique, économique et populaire, parce qu’il est loin de représenter une véritable réforme.

Un rassemblement de protestation est d’ailleurs prévu à 14h, place Riad el-Solh, alors que le gouvernement doit tenir sa réunion à 16h au Sérail.

Le projet de loi, hérité du gouvernement de Hassane Diab, auquel très peu de modifications ont été apportées, reste contraire à la Constitution, puisqu’il prévoit, entre autres, des mécanismes qui vont concrètement aboutir à une suppression des dépôts antérieurs à la crise financière.

Au sein du Parlement, de nombreux députés sont opposés à cette réforme qui n’en est pas une. Mardi, le député Razi Hage, membre du bloc de la République forte (Forces libanaises-FL) a relevé que le projet de loi en question “porte atteinte aux droits des citoyens et des déposants”.

Dans un communiqué, M. Hage a dénoncé un “régime mafieux qui a élaboré ce texte dans une tentative d’annulation des dépôts bancaires et de se dérober à ses propres responsabilités” dans la crise financière et économique. “Le comble est que la Banque du Liban n’a pas participé à la préparation du projet de loi, ni à son examen ce qui, en soi, est un scandale”, s’est-il insurgé.

S’adressant aux déposants, le député FL a tenté de les rassurer en déclarant “que chaque responsable dans ce dossier aura des comptes à rendre”, précisant que “le problème ne sera résolu qu’après un rétablissement de la confiance et une relance économique”.

Un projet de loi contesté

Le projet de loi sur la restructuration des banques aurait été élaboré par un groupe restreint de banquiers, avec l’implication directe du chef de l’exécutif, de son vice-président, Saadé el-Chami, et de son conseiller, Nicolas Nahas.

Selon des sources parlementaires, plusieurs aspects de cette réforme sont jugés précipités et politiquement motivés. En effet, la décision de l’inscrire à l’ordre du jour du Conseil des ministres deux jours avant la séance d’élection présidentielle soulève des questions. Ces sources suggèrent que Najib Mikati cherche à obtenir des gages de crédibilité à l’international en présentant ce projet comme un soutien aux réformes nécessaires au redressement du pays. Une telle mesure pourrait, selon eux, renforcer ses chances d’être reconduit à la tête du gouvernement lors du prochain mandat, un objectif qui semble éclipser la véritable nature et les implications de la réforme proposée.

Des critiques acerbes sur les intentions du gouvernement

Sur le timing et les objectifs réels de ce projet de loi, des parlementaires soulignent qu’il pourrait s’agir d’un simple prétexte pour légitimer un projet qui, selon eux, s’inscrit dans la continuité d’une logique gouvernementale qui a débuté avec l'exécutif de Hassane Diab. Ce dernier, avant de démissionner en 2020, avait décrété la faillite du Liban, ouvrant la voie à une économie de plus en plus dominée par les transactions en espèces, renforçant dans ce cadre, l’influence du Hezbollah et de ses alliés. Perçu par certains observateurs comme une tentative de liquider le secteur bancaire libanais, ce projet de loi, s’il est adopté, pourrait transformer en profondeur le paysage bancaire libanais, avec de lourdes conséquences sur les épargnants. On rappelle à cet égard qu’au lendemain de la crise de 2019, de nombreux déposants ont vu leurs comptes gelés ou réduits à néant à la suite de la dévaluation de la monnaie nationale.

Résultat d'une série de facteurs économiques, politiques et structurels, la crise bancaire au Liban est l'une des plus graves de l'histoire moderne du pays. Le Liban, déjà fragile sur le plan économique, a vu ses banques confrontées à une grave perte de confiance, en raison de la corruption généralisée, de la mauvaise gestion de la dette publique et de la dépendance excessive aux financements externes.

Jadis considéré comme stable, le secteur bancaire s’est retrouvé dans une situation catastrophique après que le pays a cessé de rembourser sa dette en 2020. La livre libanaise a perdu une grande partie de sa valeur face au dollar américain, entraînant une inflation galopante et une érosion du pouvoir d'achat de la population.

En conséquence, de nombreux Libanais ont vu leurs économies piégées dans les banques, incapables de retirer leurs fonds en raison de restrictions imposées par les institutions financières. Aujourd’hui encore, le gouvernement cherche à supprimer ses obligations à l’égard de ses institutions.

 

 

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