Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a entamé lundi à Séoul une tournée d'adieu avant l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, dans l'espoir de préserver la stabilité de son alliance avec la Corée du Sud malgré le chaos politique qui s'est emparé de ce pays.
Comme pour rappeler les enjeux de cette alliance, pendant que M. Blinken s'entretenait avec des responsables sud-coréens, la Corée du Nord a lancé son premier missile de l'année. Le missile balistique à portée intermédiaire, a été tiré depuis la région de Pyongyang et s'est abîmé en mer du Japon, selon l'armée sud-coréenne.
Ce tir, le premier en trois mois, intervient à deux semaines de l'investiture de Donald Trump, qui pendant son précédent mandat avait mené des tentatives très personnelles de rapprochement avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
Lors d'une conférence de presse avec son homologue sud-coréen Cho Tae-yul, M. Blinken a condamné ce lancement, "une nouvelle violation de multiples résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies", selon lui. Il a également affirmé que Moscou allait "partager des technologies spatiales et satellite avancées" avec Pyongyang, qui a envoyé des milliers de soldats se battre aux côtés de la Russie contre l'Ukraine.
La visite de M. Blinken survient en pleine crise politique en Corée du Sud. Le président du pays, Yoon Suk Yeol, a été destitué par le Parlement le 14 décembre après avoir tenté d'imposer la loi martiale et de museler le Parlement en y envoyant l'armée. Il est depuis retranché dans sa résidence à Séoul avec sa garde rapprochée, qui empêche les enquêteurs de venir l'arrêter pour son coup de force.
Alors que les vociférations des partisans de M. Yoon qui manifestent devant sa résidence sont clairement audibles depuis l'hôtel où il est logé, M. Blinken s'est abstenu de tout commentaire sur la situation intérieure du pays.
"Engagement sans faille"
Il a rencontré dans la matinée le président par intérim Choi Sang-mok, en poste depuis à peine une semaine après les destitutions successives de M. Yoon et du Premier ministre et chef d'État intérimaire Han Duck-soo.
M. Blinken s'en est tenu aux déclarations habituelles sur "l'engagement sans faille" de Washington à défendre la Corée du Sud, et a évoqué avec M. Choi "la manière dont les deux parties travailleront ensemble pour renforcer la coopération bilatérale et la coopération trilatérale avec le Japon", selon un communiqué du département d'État.
Avant son coup de force du 3 décembre, le président désormais déchu Yoon Suk Yeol était considéré comme le chouchou du président Joe Biden pour ses positions pro-américaines. Il avait ravi Washington quand, cherchant à tourner la page de décennies de méfiance réciproque, il s'était rapproché du Japon, l'autre grand allié des États-Unis en Asie de l'Est. M. Blinken est d'ailleurs attendu à Tokyo lundi, avant de terminer sa tournée à Paris.
En 2023, M. Yoon, un conservateur de 64 ans, avait tenu avec M. Biden et le Premier ministre japonais de l'époque, Fumio Kishida, un sommet historique dans la résidence présidentielle de Camp David, au cours duquel les trois pays avaient promis de renforcer leur coopération en matière de renseignement sur la Corée du Nord.
Lundi, le bureau du président par intérim Choi a fait savoir dans un communiqué que Séoul restait attaché aux "principes et accords du sommet de Camp David".
L'opposition de gauche, qui a empoisonné la vie de M. Yoon depuis le Parlement et semble bien partie pour diriger le pays une fois la crise terminée, maintient historiquement une position plus dure à l'égard du Japon pour sa brutale occupation de la Corée entre 1910 et 1945. Et son dirigeant Lee Jae-myung, qui fait lui aussi l'objet de poursuites et est menacé d'inéligibilité, est réputé plus favorable à la détente avec le Nord que M. Yoon, bête noire de Pyongyang.
La crise politique en Corée du Sud, quatrième économie mondiale, tombe au moment où arrive au pouvoir à Washington une administration qui risque de lui être beaucoup moins favorable que l'actuelle.
Lors de sa dernière campagne présidentielle, M. Trump a menacé de forcer la Corée du Sud à payer 10 milliards de dollars par an pour la présence des troupes américaines sur son sol, soit près de dix fois ce qu'elle verse actuellement.
Paradoxalement, M. Trump a tissé des liens avec le précédent président sud-coréen de gauche, Moon Jae-in, qui l'a encouragé dans ses tentatives de conclure un accord avec Pyongyang. Et ses trois rencontres avec Kim Jong Un, si elles avaient échoué à aboutir à la dénucléarisation de la Corée du Nord, avaient tout de même fait baisser les tensions pendant quelque temps.
Par Shaun TANDON, AFP
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