À quelques heures du passage à la nouvelle année, nous avons rencontré les habitants de plusieurs quartiers de Beyrouth. Des gens, en majorité au cœur lourd, qui expriment une grande appréhension. Bien qu’ils parlent tous de “l’espoir de la paix” et du retour à la prospérité du Liban, très peu semblent réellement y croire.

En se promenant dans les rues animées de Basta el-Tahta, pleines de petits commerces, on en oublierait presque que ce quartier a payé un lourd tribut avant le cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hezbollah, le 27 novembre dernier. Pourtant, l’amère réalité nous rattrape rapidement.

Les armes illégales, une plaie qui empêche d’espérer…

Les cheveux grisonnants et la mine abattue, Ali estime que l’Iran “a détruit notre pays et la région”. La seule condition pour qu’on s’en sorte, c’est que Téhéran “soit mis à genoux, avec Khamenei à sa tête”, poursuit-il, déterminé.

Pour Mosbah, nostalgique d’une époque désormais révolue, “ce quartier ressemblait à un grand village mixte, dans lequel j’ai grandi et où il faisait bon vivre. Aujourd’hui, il ne reste plus rien”, regrette-t-il. Ce propriétaire de la troisième génération de Farchoukh Juice, un commerce de jus de fruits ayant pignon sur rue, se montre néanmoins un peu plus optimiste. “Je veux croire au meilleur, mais c’est le pessimisme qui l’emporte. Malgré le cessez-le-feu, tant que les armes illégales continuent de circuler, je n’ai espoir en rien”, confie-t-il.

De son côté, Anthony, un jeune homme de 23 ans rencontré à Ain el-Remmaneh, garde une lueur d’espoir. Influenceur culinaire, il rêve de voir le Liban “enfin libre, souverain et surtout affranchi de toutes ses chaînes”.

Seul un président fort, humain et souverainiste pourra changer la donne!

Quant à l’élection présidentielle, normalement prévue pour le 9 janvier prochain après plus de deux ans de blocage, Mosbah n’y croit pas. “Si cela se fait, cela ne changera rien”, explique-t-il, désabusé, estimant vivre désormais “dans une grande prison”.

En revanche, Moustapha, également habitant de Basta el-Tahta, garde foi en un président fort qui “serait à la tête de la pyramide”. “Nous avons besoin d’un homme de décision qui rassemble tous les Libanais”, soutient-il, avec conviction. “Ce ne sont pas les Libanais qui posent problème. Ils s’aiment tous et s’entraident”, dit-il, faisant référence à la solidarité observée pendant la guerre. Le véritable obstacle, selon Moustapha, vient des partis politiques, qui divisent le peuple. Pour lui, l’essentiel est d’élire enfin un président “purement libanais, qui défendra uniquement les intérêts de son pays”.

Même souhait pour Tony, propriétaire du magasin de vêtements Uneffected, situé à la jonction Ain el-Remmaneh-Chiyah. Son vœu pour 2025? “Que les affaires reprennent”. Il n’a pas eu de chance, ayant ouvert son magasin quelques jours à peine avant le début du conflit entre Israël et le Hezbollah, il y a un an et deux mois. “Je suis à une rue de Chiyah, où nous avons vécu des moments très difficiles ponctués de raids et de destructions”, se remémore-t-il, surtout depuis que la guerre a éclaté dans cette région, le 23 septembre 2024.

Juliette, elle, n’a pas pu cacher ses larmes. À 43 ans, cette mère de trois enfants, rencontrée place Sassine, au cœur d’Achrafieh, est épuisée de jongler entre trois emplois pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle souhaite avant tout “la bonne santé” pour pouvoir continuer et, surtout, “un salaire plus décent” qui lui permette de payer ses charges de loyer, d’électricité et d’eau, devenues excessivement élevées depuis le déclenchement de la crise économique en 2019, dans un pays où l’État et les subventions font cruellement défaut.

Sa solution pour sortir de ce marasme? “Avoir un président qui ne fasse pas partie de cette clique et qui comprendra les préoccupations des gens, celles des pauvres avant celles des riches”, déclare-t-elle. A-t-elle un nom de présidentiable qui répondrait à ses vœux? “Je n’en ai pas! Et s’il en existait un, ils le tueraient avant qu’il ne prenne ses fonctions, c’est ça, le Liban!”, poursuit-elle, désillusionnée par une histoire jalonnée de drames et d’assassinats politiques.

Reprise de la guerre appréhendée, paix souhaitée…

Cela fait maintenant trente ans que Moni habite à Ain el-Remmaneh-Chiyah. “Nous avons vécu toute la guerre, nous ne pouvons plus endurer cela”, dit cette grand-mère, restée souriante malgré le poids des bombardements et des destructions encore vivaces dans sa mémoire. Son souhait pour 2025? “La paix pour tous.”

Le même vœu pour les deux étudiants en physiothérapie, Michèle et Ivan, rencontrés au cœur d’Achrafieh, ainsi que pour Hiba, originaire de Noueiri, croisée alors qu’elle vidait le magasin de produits électroniques de son défunt père à Basta.

À l’âge où l’espoir devrait pourtant être une évidence, Jinane, habitante de Furn el-Chebbak au look rock, ne se fait cependant pas d’illusion. “Cette trêve n’est qu’une pause, la guerre va reprendre”, soutient-elle, rongée d’inquiétude, en attendant son taxi.

Même Juliette, bien qu’elle dise craindre “une reprise de la guerre après la Saint-Sylvestre, une guerre qui ne nous concerne ni de près ni de loin”, assure qu’elle est “avec l’armée libanaise et son pays seulement”, se définissant comme non partisane.

Toutefois, nous conclurons le chapitre 2024 sur une note d’espoir, celle de Tony, quarantenaire optimiste. Il insiste sur le fait que “nous avons le devoir de souhaiter le meilleur pour 2025, quelle que soit notre appartenance politique, régionale ou communautaire. On entre dans une phase meilleure, elle ne peut pas être pire que ce que nous avons déjà traversé”, ajoute-t-il.

“On espère que c’est la fin, la dernière guerre, et que ce cessez-le-feu se transformera en une paix véritable”, conclut Tony, souriant.

Une paix durable et un véritable État de droit, libre, souverain, indépendant et prospère. C’est ce que nous espérons tous voir se réaliser en 2025.

 

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