Noël à la frontière sud, un signe d’espérance
Le nonce apostolique, Mgr Paolo Borgia, a tenu à fêter Noël à Rmeich et à Kley’a, deux agglomérations maronites frontalières du Liban-Sud. ©Ici Beyrouth

Dans un Liban relativement stabilisé par la décision d’appliquer la résolution 1701 de l’ONU et la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie, le nonce apostolique, Mgr Paolo Borgia, a tenu à fêter Noël à Rmeich (14.000 habitants) et à Kley’a (2.500 habitants). Ces deux agglomérations maronites frontalières ont traversé, non sans peine, les quatorze mois de la guerre que le Hezbollah a livrée à Israël en signe d’appui au Hamas, à partir du 8 octobre 2023 et jusqu’au cessez-le-feu du 8 décembre 2024.

Grâce à leur opposition à toute utilisation de leur espace humain et domanial par le Hezbollah et à un gardiennage strict de cet espace par les hommes valides, les deux agglomérations, bien que situées “aux premières loges” du champ de bataille, n’ont pas été directement ciblées par l’armée israélienne durant la guerre. Toutefois, elles ont vécu dans une grande précarité les derniers mois de la guerre, quand les routes sont devenues dangereuses et qu’il fallait acheminer sur place, en prenant des risques, les denrées et produits de première nécessité.

“Certes, nous n’avons pas été directement bombardés, indique le père Tony Elias, curé à Rmeich, mais ça ne veut pas dire que nous n’avons pas eu peur. Vitres, terrasses, murs et sommets d’édifices ont eu leur lot de balles, sans compter les obus qui ont atteint des régions périphériques de l’agglomération et les retombées des tirs d’interception d’obus, qui ont endommagé six maisons et détruit une septième. Si vous parcourez les rues du village, vous constaterez d’ailleurs que nombre de murs sont lézardés, disjoints ou troués, en raison de la guerre.”

Par ailleurs, les retombées économiques de la guerre ont affecté Rmeich et Kley’a comme les autres villages. “Près de 10.000 plants d’oliviers ont été ravagés dans les champs relevant de Rmeich durant la guerre, sans parler des dommages infligés à la culture du tabac et à l’élevage des abeilles. Les deux tiers des habitants de Rmeich vivent de la terre”, précise le prêtre.

Rmeich et Kley’a sont accessibles par la route, sans autorisation spéciale de l’armée libanaise, assure de son côté le père Pierre Rahi, curé de Kley’a. Mais pour atteindre les deux agglomérations, il faut passer par Nabatiyeh dont le vieux souk, fierté des habitants, a été impitoyablement détruit par les frappes aériennes d’Israël. “Nous l’avons traversé le cœur serré, c’était pitié de voir toutes ces destructions”, souligne le représentant du pape.

Le nonce a célébré la messe de minuit à Rmeich et celle du jour de Noël, à Kley’a. Ici et là, il nous a confié “avoir eu la joie de voir la communauté des habitants réunie”. “Pour la messe de minuit, l’église était pleine”, s’est-il réjoui.

Le représentant du Saint-Siège assure avoir constaté la réalité de “l’enracinement dans la foi” du peuple libanais, ainsi que “sa capacité à résister aux adversités, à rester debout et à partager”. “Il est beau de voir au Liban cette ténacité, cet attachement à la terre et à la foi chrétienne”, dit-il, non sans fierté. “Pour le Liban, ce sont là de grands signes d’espérance.”

“Bien sûr, nos relations avec l’archevêque maronite de Tyr sont très bonnes, convient le curé de Rmeich, mais c’est quand même réconfortant de savoir que nous jouissons de la sollicitude directe du pape.” “Il y a certainement une recommandation derrière tout ça, c’est la sixième fois que le nonce se déplace jusqu’à nous”, observe son confrère de Kley’a.

Accueilli mardi après-midi au couvent des religieux de l’Ordre libanais maronite (OLM), où il a passé la nuit, Paolo Borgia a d’abord assisté à un joyeux échange de cadeaux et dîné entouré d’invités, avant de célébrer la messe.

Dans ses homélies, le nonce a eu une pensée pour toutes les communautés présentes au Liban-Sud, celles qui ont pu rester comme celles qui n’ont pu le faire, ainsi que pour ceux qui ont perdu leurs maisons ou ceux qui ne peuvent encore les regagner.

“J'ai voulu célébrer cette messe de la veille, à la fois parce que Jésus est né dans la nuit, comme le dit l'Évangile, et aussi parce que la nuit (…) représente en quelque sorte l'incertitude de l'aujourd'hui et de demain, encore pleine de risques et de tant de défis… Par ma présence, je voudrais dire qu'en cette nuit de la vie, je me sens à vos côtés, je me sens avec vous tous, tout comme le ferait le Saint-Père que je représente indignement dans ce pays.”

“Les chrétiens libanais ont une foi ancestrale, enracinée dans cette ‘terre sainte’ parce qu'elle a été parcourue par le Christ et les disciples”, a-t-il ajouté. “Une terre aimée que, malgré tout et grâce à Dieu, vous n'avez jamais quittée et que vous continuez d’habiter, fiers de vos origines. Cette foi ouvre vos cœurs à l'espérance. Et, comme le pape François l’a écrit: “Ne vous laissez jamais voler votre espérance, ne renoncez jamais à un avenir qui peut toujours être meilleur que le présent, croyez en l’avenir, forts du soutien de Dieu.”

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