Destructions, pillages et pénuries: les habitants de Mayotte crient leur détresse à Macron
Le président français Emmanuel Macron, le secrétaire d'État français chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux Thani Mohamed Soilihi, le directeur général de l'Agence régionale de santé de Mayotte (ARS) Dr Sergio Albarello et le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville visitent le centre hospitalier de Mayotte à Mamoudzou le 19 décembre 2024. ©Ludovic MARIN/POOL/AFP

Des destructions, des "pillages" et "pas d'eau": Emmanuel Macron a été interpellé par des habitants désespérés, voire en colère, jeudi à Mayotte, cinq jours après le passage dévastateur du cyclone Chido.

Face à l'ampleur des dégâts, le chef de l'État français, attendu initialement pour quelques heures sur place, a annoncé qu'il resterait jusqu'à vendredi dans l'archipel français de l'océan Indien afin de visiter des zones plus reculées.

À l'hôpital de Mamoudzou, chef-lieu du département, la discussion a porté sur le recensement très compliqué du nombre de morts, alors que de nombreuses localités, aux habitations précaires, restent injoignables.

"On est face à des charniers à ciel ouvert. Il n'y a pas de sauveteurs. Personne n’est venu récupérer les corps ensevelis", affirme la députée (Liot) Estelle Youssouffa.

"Dans les bidonvilles, des corps sont enterrés directement (…) dans des fosses communes", assure un homme lors d'un échange avec les personnels de santé. "Où ?", demande avec insistance le président.

Selon des chiffres provisoires, 31 morts et quelques 1 400 blessés ont été officiellement recensés, mais les autorités craignent un bilan beaucoup plus lourd, alors que 70% des habitants ont été gravement touchés.

Une mission de recherche se met en place pour réaliser ce décompte, rendu d'autant plus délicat que les Comores, d'où est originaire une partie des habitants de Mayotte, sont une terre de forte tradition musulmane où les défunts sont enterrés au plus vite.

"La téléphonie va être rétablie dans les prochains jours", promet Emmanuel Macron, en concédant que "beaucoup" de morts n'ont pas encore pu être recensés.

Plusieurs interlocuteurs pointent un manque d'informations des habitants avant le cyclone, notamment des sans-papiers venus des Comores.

"Plus à manger"

"Les gens n’ont pas été prévenus. Il fallait faire des maraudes, aller partout et leur expliquer ce qui allait se passer, mais ils ne sont pas sortis parce qu’ils ont peur de la police", souligne une soignante.

Le chef de l'État préfère mettre le cap sur l'avenir. "Vous pouvez pas reprocher ça", dit-il. "Il faut qu’on se mette tous ensemble; il ne faut pas se diviser", lance-t-il, ajoutant que "depuis le premier jour, des gens sont mobilisés jour et nuit" pour faire face.

Dans le centre hospitalier, où les vitres ont été soufflées, des services inondés et du matériel détruit, beaucoup pointent aussi le manque d'eau et de nourriture, comme dans le reste de l'archipel.

"Monsieur le président, on est tous insécurisés. Les gens se battent pour avoir un peu d'eau. Les avions militaires ne sont pas arrivés ici", relève une femme.

Pendant que le président échange avec le personnel, une soignante glisse, en aparté : "Dans deux jours, il n’y aura plus à manger pour les patients, je suis écœurée".

"C'est pas la goutte d'eau, c'est le gros cyclone qui vient bousculer un système qui tenait à un fil", renchérit un soignant.

Un homme attire l'attention sur les pillages. "Les gens rentrent par les toits qui sont partis", dit-il. "Monsieur le président, on a peur que ce soit Haïti !", s'alarme une autre personne face aux risques de débordements. Un couvre-feu a été décrété depuis mardi.

Emmanuel Macron écoute, serre le bras d'une dame qui sanglote, passe du service de psychiatrie à l'unité de réanimation où les traitements manquent pour les malades chroniques.

"Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous ayez l'eau, la nourriture, l’électricité", assure le président devant des interlocuteurs pleins d'espoir ou plus dubitatifs.

Les doléances avaient accompagné le chef de l'État dès son arrivée à l'aéroport de Petite-Terre peu avant.

"S'il vous plaît, ne partez pas trop vite ! Il n'y a rien qui reste", l'a supplié en larmes Assane Halo, employée à la sûreté de l'aéroport.

"Des aides !"

"Donnez des aides. Des solutions, mais des solutions qui aboutissent", exhorte-t-elle. "Nos maisons sont détruites. Nos enfants sont traumatisés, on a besoin que les assurances jouent le jeu".

Le président s'est aussi rendu compte, à bord d'un hélicoptère de la gendarmerie, de l'étendue de la catastrophe dans le plus pauvre département français.

Environ un tiers de la population, soit plus de 100 000 habitants, notamment les immigrés en situation irrégulière venant des Comores, vivent dans des logements précaires, dont la plupart ont été pulvérisés par le cyclone.

Au moment où il montait dans l'hélicoptère, le convoi présidentiel qui quittait l'aéroport a été hué lors de son passage devant une station-essence où s'était formée une très longue file d'attente.

"C'est fou, on n'avait jamais vu ça; on a l'impression que l'État a complètement sous-estimé l'ampleur" de la catastrophe, relève un policier mahorais sous couvert d'anonymat. Dans le nord, où il a pu aller voir ses parents mercredi, "ils n'ont vu aucun secours arriver".

Face à la pénurie généralisée qui sévit, le gouvernement a publié un décret pour bloquer les prix des produits de grande consommation dans l'archipel à leurs niveaux du 13 décembre, juste avant le cyclone.

Sont concernés les produits comme l'eau minérale, les produits alimentaires et les boissons, les piles, mais aussi les produits d'hygiène de base ou dédiés à la construction ainsi que les aliments pour les animaux.

Le ministère des Outre-mer a annoncé mercredi soir l'activation de "l'état de calamité naturelle exceptionnelle", censé "permettre une gestion plus rapide et efficace de la crise" et "faciliter la mise en place de mesures d'urgence".

Avec AFP

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