Alep: Noël entre espoir et inquiétudes pour les chrétiens
Le frère Georges Sabe, qui a participé en début de semaine à une réunion entre les rebelles syriens et les représentants chrétiens locaux, pose dans une chapelle d'Alep le 12 décembre 2024 ©Ozan KOSE / AFP

Où faut-il placer la couronne? Dans la cour des frères maristes d'Alep, une des onze communautés chrétiennes de la seconde ville de Syrie (nord-ouest), la question du jour qui anime les débats concerne le sapin de Noël.

Quelques jours à peine après leur conquête fulgurante du pouvoir à Damas, le 8 décembre, les nouveaux maîtres du pays, ex-rebelles islamistes, se sont employés à rassurer les chrétiens.

Avec succès, au moins "pour l'instant", constate le frère Georges Sabe qui a participé lundi à une réunion à Alep, à laquelle pour la deuxième fois, les évêques et des représentants de toutes les congrégations étaient conviés. Les imams ont aussi été reçus, lors d'une autre réunion.

"Ils se sont montrés très rassurants: continuez de vivre normalement, vous approchez de votre fête de Noël, rien ne va changer pour vous", dit ce religieux. "Rien n'a changé jusqu'à présent".

Tous ses interlocuteurs, "trois militaires et deux politiques, étaient des gens d'Alep", note-t-il. "L'un deux finissait son doctorat d'ingénierie mécanique ici avant la guerre. 

"Une vie normale"

"Alors on a repris une vie normale, avec les messes matin et soir. On a juste avancé d'une heure celle du soir et on a commencé à dresser les crèches et les sapins. J'ai appris en treize ans de guerre à vivre au jour le jour. On verra demain".

Dans ce pays laïc, le jour de l'An, Noël et les deux Pâques, catholique et orthodoxe ont toujours été fériés. "On attend le nouveau calendrier" ajoute-t-il.

Des quelque 200.000 chrétiens d'Alep avant le début de la guerre en 2011, seulement 30.000 restent en ville. Une communauté bien insérée, présente depuis le IVe siècle dans la province où elle compte plus de sept-cents édifices répertoriés. Et qui se considère avant tout "syrienne".

"Nous ne voulons pas partir, nous voulons rester en bonne entente avec les musulmans, nous parlons la même langue", insiste le frère Georges.

"Les cloches pourront sonner", lui ont promis ses interlocuteurs et elles ne s'en privent pas jeudi soir à la messe de 17h00 dans la cathédrale latine Saint-François vers laquelle se pressent une centaine de paroissiens.

Inquiétudes 

"Les gens d'ici ont un grand sens spirituel. Durant toutes ces années de guerre, ils n'ont jamais cessé de venir à l'église", assure le Père Bahjat.

Il dit comprendre les inquiétudes qui se sont exprimées, notamment depuis l'étranger. "Mais sur le terrain nous n'avons pas subi de discrimination", jure-t-il sous le porche de pierre dorée de l'édifice.

"L'évêque nous a dit qu'il était rassuré et qu'on allait continuer comme avant, célébrer nos messes et nos fêtes" explique en arrivant Marina Ayoub, qui ne manque aucun office dans lequel elle trouve "l'espérance".

En face, l'église a récupéré sans tarder une propriété occupée par le parti Baas au pouvoir pendant plus de soixante ans et y a accroché le drapeau du Vatican: lors de la réunion, les représentants du gouvernement ont promis de ne pas toucher aux biens de l'Eglise.

L'apparition du Premier ministre Mohammad al-Bachir, lundi soir, devant le drapeau syrien et le drapeau blanc des islamistes a semé le trouble, reconnait le frère Georges. "Mais dès le lendemain, lors d'un entretien à la chaîne al-Jazeera, il avait disparu: ce qui montre qu'ils sont prêts au dialogue", estime-t-il.

"Ils répètent qu'ils vont respecter toutes les confessions... Le pire n'est jamais sûr, mais j'attends: je les jugerai sur leurs actes", lâche un chrétien engagé qui a requis l'anonymat et redoute toujours un durcissement du nouveau pouvoir.

Il guette "les petits signes" contrariants, notant que les "restaurants d'Alep ne servent plus d'alcool: ils le cachent".

Par Anne Chaon, AFP

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