À 37 ans, Miguel Bonnefoy s’impose comme une figure originale de la littérature francophone, mêlant réalisme magique et traditions narratives hispaniques, avec des romans primés et traduits dans le monde entier.
Miguel Bonnefoy, à l’instar d’autres grands auteurs avant lui, a choisi le français – bien que ce ne soit pas sa langue maternelle – pour explorer des récits venus d’ailleurs, notamment de l’Amérique du Sud.
“Mon cas n’est pas extraordinaire. Je pense, par exemple, à Samuel Beckett, qui a aussi choisi le français, ou à Milan Kundera”, confie-t-il à l’AFP.
Avec Le Rêve du jaguar paru aux éditions Rivages, une saga familiale franco-vénézuélienne, Miguel Bonnefoy a remporté cet automne un doublé inédit: le Grand prix du roman de l’Académie française et le prix Femina.
Un écrivain à l’intersection de deux cultures
Titre après titre, Miguel Bonnefoy, âgé de seulement 37 ans, s’est distingué par son style singulier, où se croisent traditions stylistiques françaises et narratives latino-américaines.
“J’écris directement en français parce que j’ai étudié dans des lycées français à l’étranger. Mais l’espagnol est ma langue maternelle et j’espère pouvoir, un jour, publier directement en castillan”, explique-t-il.
Le Rêve du jaguar est un livre que l’auteur dit avoir “porté 20 ans dans [son] cœur”. Inspiré de l’histoire de son grand-père maternel, Antonio, abandonné nouveau-né sur les marches d’une église à Maracaibo au Venezuela, le roman célèbre la richesse des racines caribéennes.
Un héritage littéraire et culturel puissant
Miguel Bonnefoy n’en est pas à son premier succès. Héritage (2020) explorait les origines chiliennes de sa famille paternelle, marquées par les tortures infligées sous le régime d’Augusto Pinochet. En 2015, Le Voyage d’Octavio racontait la rencontre entre un homme illettré et une actrice de Maracaibo, qui allait lui apprendre à lire et à écrire.
Loin de percevoir son bilinguisme comme un obstacle, Miguel Bonnefoy revendique son rôle de “transfuge des cultures et des idiomes”. “Ce qui est beau, c’est que cela t’oblige à plonger tes mains dans la pâte, dans les cheveux et dans le ventre d’une langue”, explique-t-il avec passion.
Le romancier revendique également l’héritage du réalisme magique, s’inspirant d’écrivains comme Gabriel García Márquez ou Alejo Carpentier pour concevoir des récits riches en saveurs et en odeurs hispanisantes.
“Quand on écrit en français sur un monde explosif, volcanique et labyrinthique, on se tourne naturellement vers la poésie animiste africaine. J’en suis un grand lecteur”, affirme-t-il.
Une voix métissée au service de la littérature mondiale
Dans les versions audio de ses livres, comme Le Voyage d’Octavio, Miguel Bonnefoy insère des mots espagnols, prononcés avec l’accent caraïbe, offrant ainsi une nouvelle dimension à ses récits.
Ses romans, traduits dans une vingtaine de langues, comprennent par ailleurs des versions espagnoles réalisées par des traducteurs. “Quand je reçois mes livres en espagnol, je découvre des façons de dire que je n’aurais jamais employées. C’est fascinant”, dit-il avec le sourire.
Avant de s’installer en France, Miguel Bonnefoy a vécu au Venezuela, où il a travaillé pendant trois ans pour le gouvernement de Hugo Chávez. “Je cachais jalousement le fait que j’avais étudié à la Sorbonne et que je parlais français”, se souvient-il.
Cette expérience, espère-t-il, pourrait nourrir un roman. “Mais il faudra d’abord lui trouver un ton. Dans ce sens, je suis un ayatollah du style. J’ai besoin d’un travail interminable pour retrouver cette musique”, conclut-il.
Avec AFP
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