Jusepe de Ribera, l’héritier sombre du Caravage à Paris
"Un philosophe: le géomètre heureux" de l'artiste espagnol Jusepe de Ribera. ©Bertrand Guay / AFP

La première rétrospective en France de Jusepe de Ribera, surnommé "l'héritier terrible" du Caravage, s'ouvre au Petit Palais. L’exposition dévoile plus de cent œuvres d'un maître du clair-obscur, explorant violence et humanité avec une intensité saisissante.

La première grande rétrospective en France consacrée au peintre baroque espagnol Jusepe de Ribera (1591-1652) s’ouvre au Petit Palais à Paris. L’exposition réunit plus d’une centaine d’œuvres de cet "héritier terrible" du Caravage, que ses contemporains percevaient comme encore plus sombre et féroce.

"C’est la première fois, même à l’échelle mondiale, qu’une exposition retrace l’intégralité de la carrière de Ribera, incluant non seulement sa célèbre période napolitaine mais aussi sa jeunesse romaine," explique Annick Lemoine, directrice du Petit Palais et co-commissaire de l’exposition.

Né à Játiva, dans la province de Valence, Ribera, doté d’un génie précoce, a mené toute sa carrière en Italie. Il s’installe à Rome à l’âge de 15 ans, avant de rejoindre Naples, où il fonde son propre atelier.

Jamais il ne retournera en Espagne, et ses toiles seront disputées par les vice-rois espagnols de Naples ainsi que par la noblesse italienne et les cardinaux pendant des décennies.

Ribera a probablement rencontré Caravage à Rome. Comme lui, il excelle dans l’art de représenter la violence, que ce soit celle des enfers ou la brutalité du quotidien, avec un usage puissant du clair-obscur et une approche audacieuse des sujets.

Pour Ribera, qu’il s’agisse d’un mendiant, d’un philosophe ou d’une Pietà, la peinture procède toujours de la réalité. Il transpose cette réalité avec une gestuelle théâtrale, des couleurs sombres ou éclatantes, et un réalisme cru magnifié par un clair-obscur dramatique. Ce "ténébrisme" extrême lui vaudra une immense notoriété au XIXe siècle, admiré notamment par Baudelaire et Manet.

L’exposition regorge de prêts et de découvertes importantes, comme Le Philosophe daté de 1610. Ce portrait d’un vieillard, réapparu en 2020 lors d’une vente aux enchères à Paris, est enfin visible par le grand public.

Surnommé "Lo Spagnoletto" (le petit Espagnol), Ribera se fait connaître dans les années 1610 comme un peintre rapide et ambitieux. Comme Caravage, il mène une vie de bohème, mais contrairement à son mentor italien, qui meurt à 38 ans après être tombé en disgrâce, Ribera poursuivra sa carrière pendant des décennies.

"Jusqu’à récemment, on ne savait presque rien de la période romaine de Ribera, seulement deux ou trois tableaux," explique Mme Lemoine. "Aujourd’hui, près de 60 chefs-d’œuvre lui sont attribués, car il est désormais identifié comme l’une des figures caravagesques les plus mystérieuses de Rome."

Cet anonyme était surnommé "le maître du Jugement de Salomon" (1610), en référence à une grande toile présentée au Petit Palais grâce au prêt de la Galerie Borghèse de Rome. En 2002, de nombreuses œuvres initialement attribuées à d’autres peintres ont été réattribuées au "Spagnoletto", qui ne signait pas ses tableaux lors de ses premières années à Rome.

La consécration de Ribera survient avec son installation à Naples en 1616. Parmi ses œuvres de cette époque, on retient notamment Saint Jérôme et l'Ange du Jugement dernier (1631) provenant du musée Capodimonte de Naples, ainsi que l’étonnante Femme barbue (1631), conservée au musée du Prado à Madrid.

Pour ses œuvres les plus violentes, comme Le Martyre de Saint-Barthélemy, dont plusieurs versions existent entre 1618 et 1644, Ribera puise son inspiration dans les procès de l’Inquisition de Naples. La cruauté de ces scènes se reflète aussi dans ses dessins et gravures, exposés au Petit Palais, au Louvre et au Metropolitan Museum de New York.

Avec AFP

 

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