En prêtant l’oreille à la rhétorique qui résonne entre les personnages principaux de la guerre au Proche-Orient, on a l’impression d’assister à une querelle prosaïque. Mais quand les mots sont l’argent des imbéciles, comment mesurer la crédibilité des menaces que s’échangent l’Iran et Israël ?
Une rhétorique bouillonnante
Au lendemain de l’attaque qu’a lancée l’État hébreu samedi dernier contre son rival persan, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a promis que son pays répondra avec “sagesse”.
Le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a indiqué dimanche de son côté qu'il ne fallait “ni exagérer ni minimiser” les frappes menées par Israël, samedi, contre des sites militaires en Iran.
Une source iranienne de haut rang a déclaré à CNN que l'Iran préparait une réponse “définitive et douloureuse” qui interviendrait probablement avant les élections, a rapporté la chaîne mercredi.
De plus, Mohammad Mohammadi Golpayegani, chef d'état-major du Guide suprême iranien, a déclaré jeudi à la chaîne de télévision Al-Mayadeen que la riposte iranienne était “certaine”. Il a ajouté que la réponse iranienne serait “forte” et “ferait regretter à notre ennemi” son attaque.
Côté israélien, le chef de l’armée Herzi Halevi a déclaré qu'Israël avait fait preuve de retenue lors de son attaque du week-end contre l'Iran. Le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari, a affirmé que si l’Iran procède à des frappes de représailles, Israël sera “obligé de répondre”.
Le déséquilibre économique
Or la “sagesse” implique une évaluation des coûts et des avantages des alternatives envisageables. Quand les données de la Banque mondiale révèlent qu’Israël a un PIB par habitant d’environ 55.000 dollars, tandis que celui de l’Iran ne dépasse pas les 6.000 dollars, on voit clairement quel pays peut endurer une guerre.
Mais cela ne dit pas grand-chose sur l’arsenal des belligérants. Outre le fameux Dôme de fer, l’État hébreu est doté de trois systèmes de défense anti-aériens: la Fronde de David, les systèmes Arrow et le THAAD.
Le parapluie israélien
La Fronde de David peut cibler des roquettes à longue portée et des missiles de croisière d’une portée de 40 à 300 km. Chaque lanceur peut porter jusqu'à 12 missiles, qui détruisent le missile ennemi par la seule force de leur impact. Deux batteries de type Fronde de David suffiraient à couvrir l'ensemble du territoire israélien.
Quant aux systèmes Arrow, ils sont de deux ordres. Arrow II peut intercepter un missile à 500 km. Arrow III va encore plus loin: d'une portée estimée à 2.400 km, il vise à contrer des missiles balistiques évoluant au-delà de l'atmosphère (donc environ plus de 100 km d'altitude).
Vient s’ajouter le THAAD, dont les États-Unis ont envoyé une batterie à Israël le 13 octobre avec une centaine de soldats pour renforcer la défense antimissile de l’État hébreu face aux menaces iraniennes.
Le THAAD intervient dans la dernière phase du trajet des missiles balistiques, au moment où ils amorcent leur descente vers leur cible. Il est capable d'intercepter différents types de missiles selon leur portée: les missiles courts, qui parcourent moins de 1.000 km, les moyens, qui vont de 1.000 à 3.000 km, et les intermédiaires, qui peuvent atteindre entre 3.000 et 5.500 km. Le système peut engager des cibles jusqu'à une distance minimale de 200 km.
Bien qu'Israël dispose déjà d'un système de défense aérienne sophistiqué, le Financial Times révèle que le pays pourrait manquer d'intercepteurs pour faire face aux missiles de l'axe pro-iranien.
Le déploiement du THAAD américain, qui s'inscrit dans une stratégie de défense intégrée, pourrait donc être interprété comme un signe de faiblesse des capacités défensives israéliennes face à une potentielle attaque coordonnée de l'Iran et de ses alliés.
Contre l’arsenal iranien
Face à ce bouclier de défense, l’Iran adopte une stratégie de saturation en multipliant le nombre de missiles tirés pour épuiser les capacités d’interception israéliennes.
Son arsenal missilier, parmi les plus vastes du Moyen-Orient, inclut des missiles comme les Shahab-3, d’une portée de 1.300 à 2.000 kilomètres, qui constituent l’épine dorsale de ses forces de frappe. Les missiles Sejil-2, plus récents et à propergol solide, ajoutent à cette menace en limitant les possibilités d’interception préventive israélienne grâce à un temps de préparation plus rapide.
En octobre dernier, lors d’une attaque massive impliquant près de 200 missiles balistiques, l’Iran a mis en œuvre trois types de projectiles: le Fattah, le Ghadr-110 et l’Emad. Le Fattah, un missile balistique à portée moyenne, est décrit comme hypersonique, mais sa capacité réelle à échapper aux systèmes de défense reste limitée. Bien que ce modèle puisse effectuer des manœuvres de ré-entrée pour éviter les défenses, la majorité des Fattah lancés ont été interceptés.
Le Ghadr-110, quant à lui, se distingue par sa vitesse et sa mobilité, ce qui lui permet de décoller depuis des plateformes mobiles et d'échapper plus aisément aux radars. Cependant, il a également été neutralisé par les systèmes de défense de haute altitude comme Arrow-3.
Enfin, l’Emad, variante améliorée du Shahab-3, se montre relativement performant, mais ne possède pas encore les capacités pour infliger des dommages durables face aux technologies israéliennes.
Frapper sans toucher
La confrontation entre Israël et l’Iran ne se limite pas aux échanges de missiles. En coulisses, l’Iran mobilise des alliances régionales pour diversifier ses stratégies et compliquer les ripostes israéliennes. Selon les renseignements israéliens, une attaque se prépare en Irak via des milices pro-iraniennes qui disposent de drones et de missiles balistiques.
Les technologies d’information font également partie de l’arsenal iranien. Le Corps des Gardiens de la révolution islamique a son propre commandement chargé de la cybersécurité. Ainsi, du 7 octobre 2023 à juillet 2024, près de la moitié des opérations iraniennes observées par Microsoft visaient des entreprises israéliennes, indique le rapport sur la défense numérique de la multinationale.
Une boucle infinie?
Le 1ᵉʳ avril 2024, une frappe attribuée à Israël détruit le consulat iranien à Damas, tuant plusieurs responsables militaires iraniens. En représailles, l'Iran lance le 13 avril sa première attaque directe contre Israël avec plus de 300 drones et missiles, majoritairement interceptés.
Israël riposte dans la nuit du 19 au 20 avril par une frappe ciblée sur la région d'Ispahan, en Iran. Cette séquence marque les premières attaques directes entre les deux pays sur leurs territoires respectifs.
Le 1ᵉʳ octobre 2024, l'Iran a lancé environ 200 missiles balistiques sur des cibles en Israël, en au moins deux vagues, ce qui constitue l'attaque la plus importante dans le cadre du conflit Iran-Israël en cours.
L'Iran a affirmé que l'attaque – qu'il avait nommée “opération Promesse honnête 2” – était un acte de “légitime défense”, en représailles aux assassinats par Israël du chef du Hamas, Ismail Haniyé, à Téhéran, du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et du général du Corps des gardiens de la révolution islamique, Abbas Nilforoushan.
Israël répond le 26 octobre 2024 en lançant trois vagues de frappes contre 20 sites militaires en Iran, tuant quatre soldats.
Promesse honnête ou vacuité foudroyante? Au-delà du ballet des menaces mutuelles, la réalité est nuancée... sous la commande du maestro americain.
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