Depuis deux mois, les enseignants retraités n'ont perçu aucune augmentation de leur pension en livres libanaises, une monnaie dont la valeur a considérablement chuté depuis la crise monétaire de 2019. À l'exception d'une brève période, où un protocole signé entre le syndicat des enseignants et l’Union des établissements d’enseignement privé au ministère de l’Éducation avait permis des hausses salariales allant jusqu'à six fois leur montant initial, et ce jusqu'à fin août, ces enseignants demeurent les seuls à ne pas avoir bénéficié d'une revalorisation pérenne depuis lors.
Lors d'une récente réunion convoquée par le ministre sortant de l'Éducation, Abbas Halabi, les dernières tentatives pour accorder des revalorisations des pensions aux enseignants retraités, à l'instar de leurs collègues du secteur public, ont échoué. Selon des sources syndicales, le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques du Liban, s'est fermement opposé à toute augmentation du fonds de compensation des enseignants des écoles privées, exigeant au préalable l'adoption d'une loi ou d'un décret. Malgré les efforts des participants pour le faire changer d’avis, son refus est resté inébranlable et les enseignants retraités continuent de faire face à de grandes difficultés. Lors de sa dernière réunion, le conseil d'administration du fonds a proposé que le Conseil des ministres adopte un décret pour augmenter les contributions des écoles et les prélèvements des enseignants de 17 fois, permettant ainsi d'accorder des hausses des pensions aux enseignants retraités.
Selon des sources bien informées, M. Halabi a bien signé le décret en question et l'a transmis au secrétaire général du Conseil des ministres, le juge Mahmoud Makkiyé, afin qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de la prochaine réunion gouvernementale. Cependant, aucune promesse d'adoption n’a été faite. Les enseignants des écoles privées craignent que ceux ayant précédemment entravé le financement du fonds de compensation ne réitèrent leur action. Selon eux, il existe un accord tacite entre certains responsables de l'éducation visant à affaiblir le fonds de compensation jusqu'à provoquer sa faillite, au profit d'intérêts influents désireux de mettre fin à sa viabilité. Ils estiment que le fonds n’aurait pas été négligé depuis le début de la crise en 2019 si cela n’avait pas été le cas.
Entre deux réunions infructueuses, les solutions restent au point mort, alors que les enseignants retraités s'interrogent de plus en plus sur leur avenir et celui de leurs familles. Malgré des revendications financières modestes, estimées à seulement 10 dollars par an et par élève d’après le protocole, l’Union des établissements d’enseignement privé persiste à ignorer leur demande. Elle refuse non seulement de maintenir ces paiements, mais aussi de soutenir toute nouvelle législation qui pourrait les pérenniser. Ces enseignants, pourtant essentiels au parcours éducatif de nombreux élèves, semblent devenus invisibles, comme s’ils n’avaient jamais contribué à ces institutions privées, aujourd'hui insensibles à leur détresse. Cette situation soulève de sérieuses questions quant à la viabilité d’une carrière dans l’enseignement, une profession qui ne semble plus garantir les droits de ceux qui y ont consacré leur vie.
Dans ce contexte, Nehmé Mahfoud, président du syndicat des enseignants, a dénoncé l'abandon flagrant des enseignants retraités par les établissements éducatifs privés, des enseignants ayant consacré plus de quatre décennies à ces institutions. En refusant de renouveler le protocole prévoyant un versement de 10 dollars par an par élève, ces établissements ont également rejeté les propositions du syndicat visant à sauver le fonds de retraite ainsi que le fonds de compensation.
Ils ont d’abord refusé une loi visant à augmenter les contributions et les prélèvements à hauteur de 8% en dollars pour alimenter le fonds. Puis, avec le soutien du ministre sortant, ils ont plongé le secteur dans une impasse constitutionnelle en s'opposant à la reconduction du protocole. De plus, ils ignorent l'accord établi avec le ministère de l’Éducation. Aucun de leurs responsables ne semble préoccupé par la survie des enseignants retraités, contraints de vivre avec seulement vingt dollars par mois, notamment en temps de guerre. N'aurait-il pas été plus judicieux d'initier le financement du fonds, même sans loi ni protocole, afin d'augmenter les pensions des enseignants retraités?
Qu'attendent donc les établissements scolaires privés pour agir? Ne perçoivent-ils pas des frais de scolarité en dollars, souvent substantiels, censés couvrir notamment les salaires des enseignants? Pourquoi ne peuvent-ils pas verser, au moins 10 dollars par an et par élève afin d'éviter que les enseignants ne sombrent dans la précarité?
Il semble que la situation restera en suspens dans l’attente de la prochaine réunion du Conseil des ministres, où le premier ministre sortant Najib Mikati pourrait inscrire le décret à l’ordre du jour. Cependant, il pourrait aussi bien choisir de l’écarter, comme il l'a fait avec la loi de financement du fonds de compensation et celle relative à l'avance financière, réaffirmant son autorité de décideur ultime en l'absence d’un président de la République et de toute instance pour demander des comptes aux responsables.
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