Au Proche-Orient, le cauchemar des humanitaires
Les proches et les collègues des trois journalistes tués lors d'une frappe israélienne dans le village de Hasbaya, au sud du Liban, se rassemblent autour d'une ambulance de la Croix-Rouge alors que les corps arrivent à l'hôpital de Beyrouth, le 25 octobre 2024. ©AFP

Les violations “flagrantes” des lois de la guerre dans l'escalade du conflit au Proche-Orient créent un dangereux précédent, avertissent les travailleurs humanitaires de la région.

Depuis l'attaque meurtrière du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023 et la riposte israélienne, les humanitaires affirment que les belligérants bafouent le droit international humanitaire.

“Les règles de la guerre sont violées de manière si flagrante” que cela “crée un précédent que nous n'avons vu dans aucun autre conflit”, a déclaré le vice-président du Croissant-Rouge Palestinien, Marwan Jilani, à l'AFP.

En marge de sa participation la semaine dernière à Genève à une réunion des 191 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, il a dénoncé un “mépris total” pour le droit humanitaire international.

A Gaza, les travailleurs humanitaires locaux s'efforcent d'apporter de l'aide tout en étant exposés aux mêmes risques que le reste de la population, a-t-il déclaré.

Le Croissant-Rouge Palestinien compte plus de 900 employés et plusieurs milliers de bénévoles à Gaza, où plus de 43.000 Palestiniens ont été tués selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas depuis le début de la guerre avec Israël.

“Ils font partie de la communauté. Ils ont été déplacés à de nombreuses reprises”, a déclaré M. Jilani, ajoutant : “je pense que chacun des membres de notre personnel a perdu des membres de sa famille”.

Il dénonce en particulier le “ciblage délibéré du secteur de la santé”. Des accusations qu'Israël rejette, affirmant mener ses opérations militaires à Gaza et au Liban dans le respect du droit international.

“Barrière brisée”

Mais selon M. Jilani, “de nombreux membres du personnel” du Croissant-Rouge Palestinien, “y compris des médecins et des infirmières, ont été détenus pendant des semaines et torturés”.

Depuis le début de la guerre à Gaza, 34 employés et volontaires du Croissant-Rouge Palestinien ont été tués dans l’enclave et deux autres en Cisjordanie, “la plupart d'entre eux pendant leur service”, a-t-il déclaré.

Quatre autres membres du personnel sont toujours détenus, sans que leur sort soit connu.

Une “grande victime de cette guerre”, a-t-il déclaré, “est la croyance au Proche-Orient qu'il n'y a pas de droit international”.

Uri Shacham, chef du personnel du Magen David Adom, l'équivalent israélien de la Croix-Rouge, a également dénoncé le mépris total des lois internationales qui exigent la protection des humanitaires.

Lors de l'attaque du Hamas du 7 octobre, qui a entraîné la mort de 1.206 personnes selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles israéliennes, du personnel et des volontaires du Magen David Adom qui se sont précipités sur les lieux pour apporter leur aide ont également été tués, a-t-il déclaré.

L'organisation a perdu sept personnes ce jour-là, "alors qu'elles soignaient d'autres personnes" et "étaient identifiées comme des humanitaires", a indiqué M. Shacham.

"Notre plus grande inquiétude est qu'une fois la barrière brisée, d'autres pourraient agir de la même manière", a-t-il averti.

“Scénario similaire”

La Croix-Rouge Libanaise a également condamné cette dérive.

Treize de ses volontaires ont été récemment blessés lors de missions ambulancières.

L'un de ses principaux responsables, Samar Abou Jaoudé, a déclaré à l'AFP que ces attaques ne semblaient pas viser les humanitaires. “Néanmoins, le fait de ne pas pouvoir atteindre les blessés et que les bombes tombent juste devant une ambulance n’est pas conforme au droit international humanitaire”, a-t-elle déclaré.

Et elle craint que le Liban, où au moins 1.620 personnes ont été tuées depuis le 23 septembre d'après un décompte de l'AFP basé sur des données officielles, ne subisse le même sort que Gaza.

“Nous espérons qu'aucun pays ne sera confronté à ce qui se passe actuellement à Gaza, mais le scénario commence à être similaire au Liban”, a-t-elle déclaré, affirmant que la Croix-Rouge Libanaise se préparait “à tous les scénarios”.

Nina Larson, avec AFP

 

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