La carte du Moyen-Orient se dessine dans le sang et le feu
La guerre au Liban ©Ici Beyrouth

De nombreux observateurs ont été étonnés par la déclaration sans fard du président du Parlement iranien, Mohammad Bagher Ghalibaf, dans les colonnes du Figaro, lorsqu’il a évoqué la disposition de son pays à négocier l'application de la résolution 1701. Il est important de noter que les propos de ce haut responsable iranien n'étaient pas un simple lapsus mais illustrent en réalité l'influence certaine de l'Iran sur le Liban, voire “l’intérêt” marqué que la République islamique porte pour le pays du Cèdre.

Partant, les propos de Ghalibaf ont levé le voile sur la véritable position officielle iranienne, jusque-là dissimulé derrière la formule diplomatique de "non-ingérence dans les affaires internes libanaises". Fidèle à sa stratégie, Téhéran a démenti ces déclarations, mais ce retour sur ses affirmations initiales n’altère en rien la véracité des faits.

Cet incident n’est pas sans rappeler la fameuse déclaration de feu le président syrien, Hafez el-Assad, en 1995, parue dans le quotidien égyptien el-Ahram, au plus fort de la tutelle syrienne sur le Liban. Assad y affirmait qu'un "consensus" existait parmi les Libanais en faveur de la prolongation du mandat du président Élias Hraoui. Cette prise de position fut perçue comme une directive claire donnée au Parlement libanais pour entériner ladite prolongation. Il va sans dire que ce soi-disant consensus n’a émergé qu’après cette déclaration.

La comparaison entre ces deux déclarations révèle une constante : bien que l'identité du "tuteur" ait changé, le mécanisme de tutelle reste le même. Celui-ci continue de priver le Liban de sa souveraineté nationale, et dans certains cas, la domination s’affiche ouvertement, sans le moindre effort de la masquer sous un voile diplomatique.

Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a rapidement réagi aux propos de Mohammad Bagher Ghalibaf. Il a exprimé son étonnement face à cette position, qu'il a qualifiée d’“ingérence flagrante dans les affaires libanaises” et de tentative d’imposer une “tutelle inacceptable sur le Liban”. Mikati a également ordonné au ministre des Affaires étrangères de convoquer le chargé d'affaires iranien pour demander des explications. Cette prise de position de Mikati est notable, surtout en ces temps critiques pour le Liban, alors que la guerre israélienne fait rage contre le pays.

L'intérêt primordial du Liban réside dans la mise en place rapide d'un cessez-le-feu et l'application de la résolution 1701, sans relancer des débats susceptibles d’inciter Israël à élever ses exigences. Israël, de son côté, ne mettra pas fin à ses opérations militaires contre le Hezbollah sans réaliser des gains substantiels.

Ses actions s’inscrivent d’ailleurs dans une continuité, marquée par une intensification des éliminations ciblées de dirigeants de premier plan du Hezbollah, jusqu'à toucher son secrétaire général, Hassan Nasrallah.  Cela fait écho aux actions d’Israël à Gaza, où il a éliminé des leaders du Hamas, tels que Yahya Sinouar après Ismaïl Haniyeh, Saleh el-Arouri et Mohammed Deif.

Dans ce contexte, il incombe au Liban de faire pression en faveur d’un cessez-le-feu, une démarche qui devrait être appuyée par ceux qui se prétendent être ses alliés. Ces derniers devraient soutenir les efforts libanais sans les subordonner à leurs propres intérêts stratégiques, souvent aux dépens de ceux de la population libanaise.

Cependant, Israël ne montre aucun empressement à mettre un terme aux hostilités, et semble chercher à reconfigurer les rapports de force non seulement au Liban, mais aussi dans tout le Moyen-Orient.

Dans la mise en œuvre de ses objectifs, Israël ne rencontre aucune réelle résistance: les États-Unis, même en pleine période de transition politique, demeurent son allié principal, lui offrant une couverture diplomatique internationale, notamment au Conseil de sécurité et ailleurs.

L'Europe, quant à elle, montre des divisions internes. L'Allemagne, par exemple, soutient ouvertement les frappes de zones civiles ; une position particulièrement dérangeante eu égard son manque de discernement entre les civils et les combattants.

La France, bien qu'elle ait demandé la suspension des livraisons d’armes à Israël, pourrait céder sous la pression israélienne qui pèse sur le président Macron.

Quant à la Turquie, qui se distingue par ses positions virulentes contre Israël, condamnant fermement les attaques sur Gaza et le Liban, ne prend aucun action concrète.

Du côté des pays arabes, les positions divergent : certains poursuivent leur processus de normalisation avec Israël, tandis que d'autres adoptent une posture de relative indifférence.

Dans ce contexte, le Liban se retrouve isolé, luttant seul contre les multiples crises qui le frappent. Tant que les tensions et désaccords internes ne seront pas résolus, le pays continuera à affronter une situation extrêmement précaire. Ces divisions exacerbent sa vulnérabilité et le mettent face à des dangers considérables.

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