Ces drones qui nous échauffent les oreilles
Un drone israélien Eitan survole Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 3 janvier 2024. ©Said KHATIB/AFP

Depuis le début de la guerre, le ciel libanais est rythmé par le bourdonnement constant des drones israéliens. Des différents modèles utilisés aux missions leur étant allouées, voici ce qu’il faut savoir sur ces aéronefs sans pilote.

Depuis bientôt un mois, leur bourdonnement constant rappelle aux Beyrouthins la nouvelle réalité de la guerre. Pour les déplacés venus du Liban-Sud, ce bruit est devenu quotidien depuis plus d’un an.

Par beau temps, on les aperçoit même aisément dans le ciel libanais. Eux? Ce sont bien entendu les drones israéliens, aussi surnommés "MK".

Derrière ce sobriquet se cachent en réalité au moins quatre types d’appareils sans pilote israéliens, que l’on peut regrouper en deux principales "familles": le Hermes et le Heron.

Tous ces aéronefs ont néanmoins de nombreux points communs. En raison de leurs performances, ils entrent dans la catégorie des drones de moyenne altitude à longue endurance (Male). Concrètement, cela signifie qu’ils peuvent voler plus d’une vingtaine d’heures, à des altitudes comprises, en moyenne, entre 3.000 et 9.000 mètres.

La série Hermes

Mis en service en 1998 par la société israélienne Elbit Systems, le Hermes 450 est le plus ancien de ces appareils. Avec une envergure de 10,5 mètres et un poids maximal de 450 kg, il peut voler jusqu’à 5.500 m d’altitude pendant 20h, à une vitesse maximale d’environ 176 km/h. Sa charge utile – l’équipement qu’il peut emporter – est d’environ 180 kg.

Celle-ci peut inclure différents types de capteurs électro-optiques, un radar pour le suivi de cibles, des nacelles destinées au renseignement électronique, à la communication, à la guerre électronique, ainsi que des bombes ou des missiles de faible gabarit. Son prix, environ 2 millions de dollars, le classe aussi parmi les drones les moins chers de sa catégorie.

Mais il possède aussi des faiblesses. Son faible plafond le rend vulnérable aux systèmes anti-aériens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Hermes 450 enregistre le plus grand nombre d’appareils abattus par le Hezbollah: au moins six depuis octobre 2023.

Depuis 2012, l’armée israélienne lui privilégie donc son successeur, le Hermes 900. Avec une envergure d’environ 16 mètres et un poids de 1.100 kg, il est plus imposant, mais aussi plus coûteux: son prix oscille entre 6,8 et 8,8 millions de dollars.

Tout comme son "grand" frère, le Hermes 900 intègre une gamme complète de capteurs, ainsi que les mêmes instruments et armements sous ses ailes. En revanche, sa charge utile de 350 kg lui permet d’en emporter davantage.

Il vole aussi plus haut, avec un plafond de 9.000 mètres et une vitesse de 220 km/h, pendant plus de 30 heures. Cela lui offre un avantage de poids, en échappant à la plupart des systèmes anti-aériens du Hezbollah, dont la portée dépasse rarement les 5 km. Néanmoins, ses performances améliorées ne protègent pas totalement le Hermes 900, deux ayant été abattus depuis octobre 2023.

Les Heron et Eitan

L’État hébreu utilise aussi le Heron, développé par Israel Aerospace Industries (IAI) et mis en service en 2005. Avec une envergure d'environ 16 mètres, il peut voler à une vitesse d'environ 200 km/h et peut atteindre une altitude maximale de 10.000 mètres.

Tout comme les modèles Hermes, le Heron peut emporter différents capteurs, instruments et – potentiellement – armements sous ses ailes, sa charge utile de 250kg le rapprochant du modèle 900. En revanche, son autonomie beaucoup plus longue – jusqu'à 52 heures – lui permet d'accomplir des missions de surveillance prolongées, sur des distances considérables.

L’armée israélienne emploie depuis 2010 une version plus avancée, le Eitan. Aussi connu sous le nom de Heron TP, il compte parmi les drones les plus sophistiqués dans l'arsenal israélien. En effet, si son autonomie est plus faible que la précédente version avec "seulement" 36h, le Eitan le surpasse dans tous les autres domaines.

Doté d’une envergure d'environ 26 mètres, comparable à celle d'un petit avion de ligne, il peut atteindre une vitesse maximale de 450 km/h, soit le double du Heron. Il peut opérer à une altitude de 14.000 mètres, au-dessus de la majorité des défenses aériennes, ce qui le rend encore plus difficile à abattre.

Surtout, il embarque une charge utile beaucoup plus conséquente, avec 2.700kg. Cela lui permet d’être mieux équipé, que ce soit en termes d’instruments ou de munitions. Néanmoins, tous ces avantages se font ressentir sur le prix: un exemplaire coûterait ainsi entre 35 et 50 millions de dollars.

Renseignement, surveillance, reconnaissance

En raison de leur grande modularité, ces fameux MK – le nom est probablement tiré du Heron Mk.II, autre appellation du Eitan – peuvent remplir plusieurs types de missions au-dessus du Liban. Ceux aperçus au-dessus de Beyrouth sont généralement des modèles Hermes, le Eitan volant généralement à des altitudes plus élevées.

La principale d’entre elles consiste en le renseignement, la surveillance et la reconnaissance ou ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance en anglais). Dans ce but, le drone vole en trajectoire circulaire au-dessus de son théâtre d’opération, en faisant usage de ses capteurs électro-optiques et infrarouges pour maintenir une observation visuelle. Ces instruments sont complétés par un radar à synthèse d’ouverture et des systèmes de télémétrie laser.

Cela permet d’obtenir une image en haute résolution du terrain, même par mauvais temps. Ces drones peuvent cartographier en détail des territoires et leurs infrastructures, pour planifier des attaques ou des opérations d'infiltration. Ils peuvent ainsi identifier et surveiller des cibles en vue de futures frappes, ainsi qu’évaluer les capacités adverses avant de s'engager militairement.

Mais l’ISR va bien au-delà de cet aspect. Avec leurs instruments destinés au renseignement électromagnétique, les drones israéliens sont en mesure d’intercepter les communications, qu’elles soient radio ou électroniques.

Cela inclut les appels téléphoniques, mais aussi les communications numériques, ainsi que les ondes radar. Ces données sont ensuite transmises aux services de renseignements dédiés qui procèderont à leur analyse, à l’image de la fameuse unité 8.200.

Selon les instruments qu’ils embarquent, ces appareils peuvent aussi mener des missions de brouillage des équipements adverses. Au Liban, cela se traduit notamment par des perturbations des systèmes GPS.

Ciblage et frappes

Ces aéronefs peuvent cependant aussi remplir des missions davantage offensives. C’est notamment le cas du ciblage. Lorsqu’ils sont équipés des instruments appropriés, ceux-ci peuvent communiquer la position d’une cible définie.

Les drones procèdent en récoltant des données GPS précises, ou en suivant directement une cible à l’aide de désignateurs laser, ceux-ci émettent un faisceau qui "marque" cette dernière. L’information est ensuite communiquée à une, voire des munitions guidées par laser, de frapper avec une précision extrême.

Dans la continuité de ce type de mission, ces aéronefs sans pilote peuvent aussi effectuer une évaluation des dommages. Cela permet notamment de confirmer la destruction d’une cible, tout en analysant l'impact de l’attaque.

Enfin, lorsqu’ils sont équipés de munitions, les drones israéliens peuvent effectuer eux-mêmes des frappes. Bien que l'armée israélienne ait pour habitude de ne pas s’exprimer sur le sujet, de nombreux témoignages concordants attestent d’une telle utilisation.

Dans ce cadre, la taille de l’appareil conditionne fortement sa capacité offensive. En raison de leur faible charge utile, ceux de la série Heron sont limités à des frappes "ciblées", à l’image d’assassinats, en utilisant des munitions – bombes ou missiles – de petit calibre.

Au contraire la capacité du Eitan lui permet non seulement de réaliser ce genre de mission, mais aussi des attaques plus conséquentes. Sa charge utile supérieure lui permet ainsi de mener des frappes stratégiques, notamment par l’emploi des munitions américaines J-DAM (pour Joint Direct Attack Munition).

Qu’il s’agisse de mission ISR, de ciblage ou de frappe, les drones israéliens effectuent des sorties de surveillance quasi continues. Leurs équipes d’opérateurs sont régulièrement remplacées dans un roulement nécessaire pour maintenir un haut niveau de vigilance, sans que le drone n'ait à quitter la zone cible.

Un bruit psychologiquement usant qui s’explique, avant tout, par une nécessité opérationnelle… en faisant fi de la santé mentale des Libanais.

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