La diplomatie Macron au Proche-Orient: fermeté et controverse
Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'une conférence de presse après un sommet européen à Bruxelles le 17 octobre 2024. © Ludovic MARIN/AFP

La fermeté croissante du président français Emmanuel Macron face au chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahou illustre une volonté de la France de peser pour la paix au Proche-Orient, mais masque aussi une forme d'impuissance.

En dix jours, ses propos publics ou rapportés ont suscité une riposte du Premier ministre israélien et le malaise de la communauté juive et d'une partie de la classe politique en France.

Il a d'abord appelé, à l'avant-veille de l'anniversaire du 7 octobre, à "cesser les exportations d'armes" utilisées dans l'offensive israélienne à Gaza et au Liban.

"Honte !", a répliqué Benjamin Netanyahou, poussant Paris à marteler qu'il ne s'agissait pas de "désarmer" Israël, mais d'adresser un message aux États-Unis pour qu'ils utilisent ce "levier".

Cette semaine, des participants au Conseil des ministres ont rapporté qu'Emmanuel Macron avait, dans le huis clos élyséen, exhorté le chef du gouvernement israélien à ne "pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU", pour mieux l'inciter à respecter le droit international.

Même réponse indignée du dirigeant israélien, du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) mais aussi du président du Sénat Gérard Larcher pour dénoncer une "méconnaissance de l'histoire".

Après 48 heures de silence, Emmanuel Macron a fini par dénoncer jeudi soir un "manque de professionnalisme" des ministres qui rapportent ses propos "tronqués" et "sortis de leur contexte", et des journalistes qui les ont repris.

Un conflit "passionnel"

Ces passes d'armes interviennent alors qu'en petit comité, certains acteurs de la diplomatie française ne cachent pas leur pessimisme sur la capacité de la communauté internationale à enrayer l'escalade régionale.

"Les leviers de coercition dont on dispose, bien sûr qu'ils sont limités, il faut être réaliste", dit un responsable français.

"On est impuissant de deux manières : d'abord parce qu'Israël fait ce qu'il veut, nous n'avons aucune influence, mais c'est le cas de tous les Européens", estime l'ex-ambassadeur Gérard Araud. "Ensuite, en raison de nos tensions communautaires" face à ce "conflit tellement passionnel".

Paris redoute des semaines "difficiles" jusqu'à l'élection présidentielle aux États-Unis, qui risque de paralyser la diplomatie américaine, seule capable de faire pression sur Israël.

Sans exclure cependant que Joe Biden, après le scrutin, puisse arracher une percée au Proche-Orient durant la période de transition jusqu'à l'investiture de son successeur en janvier.

La mort du chef du Hamas Yahya Sinouar, un an après l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien, est une "occasion" pour que la guerre soit "enfin arrêtée", a espéré Emmanuel Macron à l'unisson d'autres dirigeants occidentaux.

Mais elle prive aussi le groupe d'un interlocuteur pour négocier un cessez-le-feu et la libération des otages encore retenus à Gaza, glisse un diplomate.

Et elle peut renforcer les dirigeants israéliens les plus jusqu'au-boutistes dans leur dessein de redéfinir les équilibres moyen-orientaux par la force.

L'exemple de la guerre menée par Washington en Irak après les attentats du 11 septembre 2001 montre cependant que cela peut mal se terminer, met-on en garde côté français. Mais la diplomatie tricolore garde-t-elle assez d'influence pour l'empêcher ?

Parler au Hezbollah

"Je crois qu'elle en a", a répondu vendredi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur France Inter. Selon lui, si M. Netanyahou a pris soin de répondre deux fois en dix jours au président français, "c'est bien que la voix de la France est entendue".

"La France joue un rôle actif au Moyen-Orient", assure Emmanuel Macron, qui multiplie prises de parole et initiatives, comme une conférence de soutien au Liban prévue jeudi à Paris.

La France met en avant qu'elle est l'une des rares puissances à parler à tous les acteurs. Avec Benjamin Netanyahou, malgré leurs "divergences assumées" selon l'Élysée, avec les dirigeants du Liban, forte de sa proximité historique, mais aussi avec l'Iran et même avec la branche politique du Hezbollah.

"Il faut lui parler et moi-même je lui parle, parce qu'elle est représentée au Parlement libanais et qu'une partie des chiites libanais s'y retrouvent", a expliqué dans La Tribune dimanche l'émissaire français pour le Liban Jean-Yves Le Drian.

L'absence de résultats de sa récente mission au Liban et de l'activisme d'Emmanuel Macron montrent toutefois les limites de cet effort.

Avec AFP

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