Stratégie de la terre brûlée: Israël pourra-t-il isoler le Hezb?

Rappelant les sombres épisodes de la guerre de 2006, la tactique israélienne de la “terre brûlée” semble resurgir dans le cadre du conflit actuel qui oppose le Hezbollah à Israël depuis le 7 octobre dernier. Si raser des villages entiers n’est pas l’aboutissement de la “mission” que s’est imposée l’État hébreu dans le contexte actuel, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une démarche militaire intermédiaire qui sert son but ultime.

Considéré par l’État hébreu comme une menace directe à sa sécurité, le Hezbollah fait face, depuis le 26 septembre dernier, à une extension des objectifs de guerre israéliens. Pour les réaliser, Tel-Aviv aurait opté pour une stratégie massive au Liban-Sud: détruire non seulement les infrastructures militaires, mais aussi tout ce qui pourrait soutenir l’effort de guerre du Hezbollah et rendre la zone accessible à ses combattants et aux habitants de la région. C’est alors que l’État hébreu décide de lancer une vaste opération militaire contre la formation pro-iranienne au Liban, combinant frappes aériennes, bombardements d’artillerie et incursions terrestres, allant jusqu’à adopter une approche plus radicale: celle de la terre brûlée. De quoi s’agit-il et dans quelle mesure cette tactique peut-elle satisfaire les desseins israéliens et permettre, durablement, le retour chez eux en toute sécurité des 68.000 habitants du nord de l’État hébreu?

La tactique de la terre brûlée, que l’on croyait en partie reléguée à l’histoire, a été réactivée par Israël. Cette stratégie consiste à détruire systématiquement dans les zones concernées toutes les infrastructures, y compris les routes, les ponts, les bâtiments résidentiels, les centrales électriques et les centres de communication. Le but en est de couper le Hezbollah de ses ressources logistiques, de désorganiser ses réseaux et d’affaiblir le soutien local en privant la population civile des conditions de vie élémentaires.

Israël justifie cette approche en affirmant que la milice chiite utilise des infrastructures civiles pour cacher des armes et des combattants, transformant ainsi les villages et villes du Liban-Sud en bases opérationnelles.

“Il est certain que les Israéliens sont en train de raser toutes les zones sur une profondeur qui va au-delà de 3 km, pour rendre le sud inhabitable et dangereux pour les assises populaires du Hezbollah”, explique le général à la retraite, Khalil Hélou. “Si, aujourd’hui, ils sont parvenus à avancer sur une distance de 3 km sur le sol libanais, n’oublions pas qu’ils continuent de bombarder des villages plus lointains et qu’ils ne s’arrêteront certainement pas à ce niveau”, souligne-t-il.

À l’heure actuelle, et toujours selon le général Hélou, les Israéliens ont réussi à s’introduire (sans pour autant y rester) dans huit villages, dont Maroun el-Rass, Yaroun, Odaïssé, Roubb al-Thalathine et Blida. À ce sujet, Hassan Fadlallah, député du groupe parlementaire du Hezbollah, a nié jeudi qu’Israël ait réussi à prendre le contrôle de villages au Liban-Sud.

Aujourd’hui, “les forces israéliennes exercent une pression militaire sur le village de Qaouzah”, note le général Hélou. Une démarche entreprise quelques jours après que l’État hébreu a entamé une offensive sur la zone de Chebaa-Kfarchouba, à partir du Golan syrien occupé, avec la 210e division. Celle-ci y est basée depuis sa création, en 1973, et a pour but de protéger les hauteurs du Golan, le mont Hermon, le mont Dov et la frontière entre Israël et la Syrie.

Objectifs militaires

Du point de vue israélien, l’objectif est “d’isoler le Hezbollah et de détruire ses capacités opérationnelles en l’empêchant de se réapprovisionner et de lancer des attaques de missiles ou d’infiltrer ses combattants à travers la frontière”, affirme M. Hélou. D’où la demande – initiale – d’un retrait hezbollahi de 5 à 10 km de la frontière. “La raison en est simple: l’incapacité des dispositifs anti-missiles israéliens à abattre les missiles antichars à tirs directs du Hezbollah”, indique-t-il. Or, cette requête a prévalu jusqu’au 17 septembre. Depuis, et après les attaques aux bipeurs et les multiples assassinats qui ont eu lieu, notamment celui du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 27 septembre dernier, “l’offensive aéroterrestre est devenue extrêmement intense”, précise-t-il.

Conséquences sur le plan social

Au-delà de son aspect purement militaire, la stratégie de la terre brûlée permet de créer un environnement hostile pour les militants du Hezbollah et de susciter le mécontentement des populations chiites libanaises qui forment la base de soutien du groupe. Les infrastructures vitales, dont les hôpitaux, les écoles et les installations d’approvisionnement en eau et en électricité, ont été gravement endommagées, laissant des villes entières sans accès aux services de base. Les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations unies (ONU) et la Croix-Rouge, ont exprimé de vives préoccupations quant à la situation des civils pris au piège dans des zones de combat. À cela, s’ajoutent les bombardements massifs et les frappes aériennes qui ont dévasté des quartiers résidentiels et entraîné des déplacements de population considérables vers Beyrouth et d’autres régions plus sûres du Liban. “Il ne faut donc pas s’étonner des sentiments d’inquiétude et de paranoïa que suscite un tel phénomène de déplacement au sein des populations, tant celles affiliées au Hezbollah que celles qui ne le sont pas”, signale le général Hélou.

Réactions internationales

La communauté internationale a réagi avec une vive inquiétude face à la tactique israélienne de la terre brûlée. Bien que de nombreux États occidentaux, y compris les États-Unis, continuent de soutenir Israël dans son droit à se défendre contre les attaques du Hezbollah, les méthodes employées ont suscité des critiques, notamment en Europe et dans le monde arabe. Des appels à la retenue et à des cessez-le-feu immédiats ont été lancés, mais les efforts diplomatiques ont jusqu’à présent échoué à mettre fin à l’escalade. Des organisations de défense des droits humains ont, dans ce contexte, déploré les violations par Israël des lois internationales, ce dont a profité le Hezbollah pour intensifier sa rhétorique de résistance, accusant Israël d’attaquer intentionnellement les civils et renforçant ainsi son soutien parmi sa communauté, qui tient encore… jusqu’à nouvel ordre.

 

 

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