
Dans La sœur de Jésus-Christ, présentée au festival Off d’Avignon, Félix Vannoorenberghe incarne avec force une jeune femme en marche contre le patriarcat. Un seul-en-scène bouleversant, porté par un texte italien engagé et une mise en scène d’une redoutable efficacité.
Faire «vriller les points de vue» sur les violences patriarcales: au festival «Off» d’Avignon, une jeune femme en colère, Maria, emmène tout un village dans sa révolte dans une pièce coup de poing, interprétée par le comédien Félix Vannoorenberghe.
Dans La sœur de Jésus-Christ, à cause du surnom donné à son frère, cette jeune femme s’empare d’un pistolet et marche en direction du village, à la recherche d’«Angelo le Couillon», le jeune homme qui l’a violentée la veille.
Dans ce texte conçu comme un long travelling évoquant un western moderne, chaque habitant prend sa suite: les employés de la casse automobile, les joueurs de foot, le biker amoureux en secret, le président du club des chasseurs, l’enfant de dix ans posté chez le barbier, la vieille institutrice, les voisines, le gendarme, ses parents...
Sur le plateau, le narrateur, Félix Vannoorenberghe, campe tour à tour les personnages, à commencer par Maria dans sa robe rouge, en s’aidant à chaque fois d’un vêtement qu’il enfile puis accroche derrière lui avec un cintre.
Maillot de foot, blouson en cuir, costume-cravate... Au total, ce sont une trentaine d’habits colorés, pendus comme dans une garde-robe, qui le suivent, démultipliant les imaginaires, figurant les silhouettes du cortège de ce petit village du sud de l’Italie.
Jouée à Avignon jusqu’au 26 juillet, la pièce, traduction française d’un texte du dramaturge italien contemporain Oscar De Summa, est le deuxième volet d’une trilogie des Antigone imaginée par le metteur en scène belge Georges Lini, décédé fin juin.
Dans le premier volet, Iphigénie à Splott, joué à Avignon en 2023, l’héroïne Effie cherchait à se sortir de la détresse sociale de la banlieue de Cardiff.
«Faire des petits»
Il s’agit «d’histoires de femmes qui désobéissent et qui, à travers leur désobéissance, font bouger les points de vue, la société ou la micro-société dans laquelle elles vivent», raconte à l’AFP Félix Vannoorenberghe.
Ici, «dans ce village au patriarcat très ancré, il se passe un truc de dingue : une jeune femme, par sa détermination, par sa désobéissance, fait vriller tous les points de vue» sur les violences patriarcales, ajoute-t-il.
Le texte a parlé à ce comédien de 30 ans, de la compagnie belge Belle de nuit, qu’on a aussi pu voir dans les séries Hippocrate de Thomas Lilti et Salade grecque de Cédric Klapisch.
«On vit dans une société qu’on n’a pas choisie. On hérite de réflexes inconscients. Aujourd’hui, on est dans un mouvement où on réinterroge ces comportements inconscients, ces structures, ces hiérarchies familiales», explique le comédien.
Selon lui, «cette histoire peut faire des petits». Mais il assure ne pas vouloir donner de «leçon sur ce qu’il faut penser». Il s’agit plutôt de «partager des questions qu’on s’est posées».
Le metteur en scène a voulu un comédien homme pour incarner le narrateur : «il faut que les choses bougent, qu’elles changent, et c’est intéressant que ce soit un mec qui dise stop», a-t-il écrit dans la note d’intention du spectacle.
Une comédienne femme, «ça n’aurait pas été légitime», abonde le comédien.
À la beauté de l’écriture, dont on savoure l’oralité de la langue italienne, s’ajoute un accompagnement musical dramaturgique puissant et délicat, celui de Florence Sauveur, qui joue violoncelle, accordéon et clavier.
Avec AFP