
Le Festival d’Avignon met à l’honneur la langue arabe, cinquième langue la plus parlée au monde. Des artistes issus du Liban, de Palestine, du Maroc ou encore de France proposent une programmation mêlant théâtre, danse et musique.
«Langue de dialogue» et de «richesse», cinquième idiome le plus parlé au monde: le 79e Festival de théâtre d'Avignon, dans le sud de la France, célèbre la langue et la culture arabes, à travers des spectacles de danse et de musique d'une quinzaine d'artistes.
Le rendez-vous international du théâtre, qui avait invité la langue anglaise en 2023, puis l'espagnol en 2024, entend, à chaque fois, élargir son horizon en termes de programmation. Il espère aussi drainer un public plus large, parlant la langue invitée.
Voici un panorama non exhaustif des artistes invités, implantés entre Europe, pourtour méditerranéen et Moyen-Orient, et dont certains sont des habitués des scènes européennes et/ou du Festival, qui ouvre ses portes samedi.
Artistes et actualité
Le chorégraphe et dramaturge libanais Ali Chahrour vit à Beyrouth. L'actualité politique, religieuse ou culturelle de son pays n'est jamais loin dans son œuvre. La pièce qu'il présente samedi, Lorsque j'ai vu la mer (danse, texte et musique), est née pendant la guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah pro-iranien à l'automne 2024, lorsque des centaines de travailleuses migrantes ont été abandonnées par leurs employeurs ayant fui les bombardements israéliens.
«En cette période très difficile que traverse le monde arabe, c'est une bonne chose que ces voix et cette langue soient entendues à Avignon», dit à l'AFP l'artiste de 36 ans, venu à Avignon en 2016, 2018 et 2022.
Autre artiste engagé: Bashar Murkus. Ce jeune directeur du Théâtre Khashabi qu'il a fondé en 2015, à Haïfa, dans le nord d'Israël, revendique un théâtre indépendant, fonctionnant sans subvention du gouvernement israélien.
En 2014, dans The Parallel Time, il avait mis en scène la question controversée des prisonniers politiques. En 2022, son spectacle Milk, présenté à Avignon, interrogeait le rôle des femmes dans la guerre. Avec le dramaturge Khulood Basel, il présente cette année Yes daddy (théâtre, images visuelles): avec cette histoire d'un vieil homme et d'un escort, il sera l'un des seuls à faire entendre la langue arabe dans la cité papale.
Arabe et français
La metteuse en scène franco-irakienne Tamara Al Saadi, qui fait du théâtre en France depuis 2012, ponctue sa pièce, Taire, de chants arabes, avec une partition chantée spéciale composée par un musicien libanais, Bachar Mar-Khalifé, et jouée en live par trois performeurs.
L'entremêlement du français et de l'arabe et la place de cette langue dans la société française est l'un des fils rouges de ses pièces.
Danse et diversité
«Parfois, on n'a pas besoin de texte. Le texte est dans le corps», affirme Sofiane Ouissi, qui avec sa sœur Selma, forme un couple de chorégraphes travaillant entre Tunis, Paris et Lille. Ils présentent Laaroussa Quartet (danse), l'histoire d'une communauté de femmes du nord-ouest du pays, potières, qui se transmettent un savoir ancestral de mère en fille: le façonnage de poupées d'argile.
Selon lui, l'arabe, pluralité de cultures, «passe par le corps, des attitudes, des postures».
De son côté, la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen, qui travaille à Marrakech, imagine, sur le parvis du Palais des papes, une performance participative, qu'elle voit comme une démarche artistique ouverte «à la diversité», «qui circule du Maroc vers Avignon, Brest, Paris...»
Musique! Hommage à Oum Kalthoum
Voix majeure du monde arabe, la diva égyptienne Oum Kalthoum, disparue il y a 50 ans, est au cœur d'une création musicale qui réunira les chanteuses françaises Camélia Jordana, franco-algérienne Souad Massi, ou encore le rappeur franco-algérien Danyl, aux influences raï.
Par ailleurs, Nour, une nuit de concerts, lectures et projections, est organisée en lien avec l'Institut du monde arabe de Paris.
À noter enfin que la romancière franco-marocaine Leïla Slimani, Goncourt 2016 pour Chanson douce, proposera, dans le cadre des Fictions de France Culture, un texte inédit dans lequel elle se demandera «pourquoi est-ce que je ne parle pas l'arabe, ma langue?».
Par Karine PERRET / AFP